21 October 2019

Congrès annuel de l’IHAF, édition 2019


Ce n’est pas un secret, la vie de doctorant n’est pas toujours facile. Le fameux syndrome de l’imposteur vient souvent enrayer nos pensées et ouvre la porte à l’anxiété. C’est dans cet esprit morose que je m’apprêtais à aller au congrès annuel de l’Institut d’histoire de l’Amérique française (IHAF) qui avait lieu à Ottawa. Et pourtant, après coup, je suis vraiment heureux d’y être allé!

D’abord, le programme était très riche, le thème étant « Frontières ». Le dix-huitièmiste que je suis ne savait plus où se garrocher. J’ai eu des choix difficiles à faire avec autant de séances passionnantes ayant lieu en même temps. Mais à la fin, j’ai certainement profité des nombreuses communications assistées sur trois jours intenses.


Le congrès était précédé d'une visite du Musée canadien de l’histoire, récemment rénové. J’avais déjà visité les lieux auparavant, donc j’avais hâte de voir les changements. D’une part, je m’ennuie de l’ancienne reconstitution de Place Royale, mais de l’autre j’aime la nouvelle galerie dédiée à la Nouvelle-France. Néanmoins, je trouve que le xviiie siècle est sous-représenté. De plus, autant je loue les efforts d’incorporer les Autochtones tout au long de la trame chronologique des expositions, les francophones n’ont pas cette même chance. Comme Franco-Ontarien, je suis très déçu, par exemple, que l’histoire francophone pendant la période britannique se résume aux Rébellions de 1837-1838. Le focus pour cette section est surtout sur l’Ontario loyaliste. Où sont les Franco-Ontariens? C’est à croire qu’après le Régime français, l’histoire canadienne-française ne se résume qu’aux Patriotes et aux deux référendums québécois. Mais bon.



Cela dit, j’ai eu une très, très agréable surprise. D’abord, un peu de contexte : il y a plusieurs mois, je furetais la collection en ligne de la Royal Collection Trust lorsque je suis tombé sur le manteau du général James Wolfe. J’étais impressionné : je n’avais aucune idée que cet objet existait. En même temps, je m’exaspérais en pensant que je n’aurai sans doute jamais la chance de voir ce manteau en personne. Eh bien! Retour au Musée canadien de l’histoire : alors que j’admirais la section dédiée à la guerre de Sept Ans, je me suis retourné pour tomber face à face avec le manteau en question. En effet, l’objet est présentement prêté à Ottawa! Imaginez mon plaisir de pouvoir admirer de près ce remarquable artefact de la guerre que j’étudie. J’étais franchement très ému. Les objets de la Conquête qui nous sont parvenus jusqu’à aujourd’hui sont excessivement rares. Après un après-midi passé au musée, c’était le temps de retourner sur le campus de l’Université d’Ottawa pour le début officiel du congrès.

J’ai également eu le plaisir de constater que la twittosphère de l’IHAF était beaucoup plus garnie cette année. En suivant #IHAF2019, les chercheurs pouvaient partager leurs observations, leurs questions ou simplement des photos de leurs meilleurs moments pendant le congrès. Relativement parlant, la participation a presque triplé depuis l’an passé, passant de 4 twitteurs à mon souvenir à près d’une douzaine cette année!

D’ailleurs, les avancées en informatique commencent également à percer chez l’IHAF. Cette année, les ateliers et les communications portant sur les nouvelles technologies se sont multipliés au bonheur (ou la confusion) de plusieurs chercheurs. Je ne vais pas résumer toutes les communications que j’ai suivies, mais j’aimerais noter que la présence d’autant de projets numériques démontre que l’étude de l’histoire de l’Amérique française rattrape enfin le nouveau paradigme des humanités numériques (ou Digital Humanities). Nous sommes rendus loin de la table ronde de 2014 « L’Amérique française au numérique : enjeux et défis » où l’audience s’était démontrée frileuse par rapport aux avancées informatiques en histoire. Depuis, la nouvelle génération d’historiens se démontre amplement capable de suivre l’exemple d’historiens à la réputation « techno » comme Léon Robichaud (Université de Sherbrooke) et Donald Fyson (Université Laval). La séance « Frontière, obstacle ou passerelle : l’intégration du numérique en histoire de la Nouvelle-France » fut particulièrement impressionnante. Catherine Broué et Maxime Gohier de l’UQAR nous ont présenté la plateforme Transkribus, un outil qui permet au chercheur d’automatiser la transcription de documents manuscrits. La puissance de l’outil est à couper le souffle : un chercheur, après avoir fourni une poignée de modèles transcrits manuellement, peut soumettre ses documents manuscrits qui seront analysés par Transkribus et dactylographiés avec une précision de 90% et plus. Incroyable!

François Dominic Laramée de l’Université de Montréal a pris le relais en démontrant comment l’utilisation du Hathi Trust Extracted Features permet une analyse de masses d’informations publiées. En nous mettant en garde sur les méthodes à utiliser et les pièges analytiques à éviter, Laramée a expliqué comment un chercheur peut puiser des tendances thématiques dans des milliers de livres sans avoir à les lire manuellement. Son exemple cherchait à déterminer à quel degré le Canada figurait dans l’esprit des Français métropolitains pendant l’Ancien régime. En analysant le nombre de fois que les publications d’époque mentionnaient d’un sujet en lien avec la Nouvelle-France, il a pu démontrer que la colonie se faisait parler d’elle surtout lors des guerres.


D’autres historiens ont également présenté leurs outils informatiques préférés, mais je tiens à souligner que certains ont démontré que le numérique permet également de créer un lien avec le grand public et à franchir la frontière académique. Par exemple, même si Sam Venière ne pouvait pas être des nôtres (en passant, Sam et Bianca, si votre petit est enfin arrivé, félicitations!), sa présence était tout de même ressentie grâce à la présentation de sa reconstitution du fort de Champlain dans le jeu Minecraft. Au-delà la projection du modèle sur les écrans, les participants pouvaient porter un casque de réalité virtuelle et visiter le fort en personne. Sébastien Ivers des Tours Voir Québec était également de la partie, présentant lui aussi des casques de réalité virtuelle où on pouvait faire l’expérience d’Immersion Québec, la nouvelle attraction virtuelle dans le Vieux-Québec (que je recommande fortement, d’ailleurs!). Cette attraction s’agit d’une reconstruction en haute résolution des moments clés de l’histoire de Québec. Les participants avaient également la chance d’admirer des modèles en 3D du monastère des Ursulines de Trois-Rivières (Richard Lapointe, iScan, Expertise laser 3D) et du village acadien de la Pointe-Sainte-Anne (Stéphanie Pettigrew, Université du Nouveau Brunswick). Bref, tous ces présentations, ateliers et démonstrations étaient une invitation aux chercheurs à dorénavant penser l’histoire autrement grâce aux nouvelles technologies informatiques.

Revenons un instant à ce sale syndrome de l’imposteur qui me hantait avant le congrès. Et bien, il a été chassé rapidement en fin de semaine alors que j’ai eu mon petit moment de gloire personnel! Comme jeune chercheur, j’ai eu l’extrême plaisir de me faire citer dans deux communications! Guillaume Teasdale (« Le statut du français dans la communauté transfrontalière du Détroit du lac Érié au xixe siècle ») et Stéphanie Saint-Pierre (table ronde: « En hommage à Gaétan Gervais : regards sur l’historiographie franco-ontarienne, sa genèse, ses défis ») ont tous les deux cités mon article « Du lys naquit le trille : Survol historiographique et perspectives de recherche sur l’Ontario sous le Régime français » parue dans la Revue du Nouvel-Ontario. Mon égo s’en est retrouvé revigoré!


De plus, j’ai eu le très grand plaisir de partager la scène avec Alexandre Dubé (Washington University in Saint-Louis) et Paul Mapp (William & Mary) pour la séance « Épistémologie de la frontière coloniale », présidée par Catherine Desbarats (Université McGill). Ma présentation, qui portait sur la cartographie de la vallée de l’Ohio à des fins diplomatiques entre 1749 et 1754, fut très bien reçue.


Lors du banquet, j’ai eu l’extrême plaisir de découvrir que ma soumission pour le concours de Photovoix fut l’affiche gagnante. L’effort m’a mérité un prix de 250$. Vous pouvez voir ma contribution ci-dessous.


Enfin, à l’extérieur du colloque, j’ai pu me reposer à l’auberge internationale d’Ottawa, située dans l’ancienne prison de la ville (1862-1972). Bien entendu, comment ai-je pu résister de choisir « l’expérience authentique », soit une cellule à moi tout seul de 9 pieds de profondeur sur 3 pieds de large. Malgré sa réputation d’être hantée, j’ai tout de même très bien dormi à l'auberge. Franchement, j’ai tellement aimé mon expérience que je songe dorénavant y rester chaque fois que j’ai affaire à Ottawa. 





Bref, j’ai eu une fin de semaine magnifique en compagnie de collègues fantastiques provenant d’une poignée de pays différents. Le tout s’est terminé avec mon retour à Québec avec mon directeur Alain Laberge alors que nous admirions en chemin les feuilles d’automnes de l’Outaouais. Au plaisir de vous revoir l’an prochain à l’édition 2020 de l’IHAF à Sherbrooke!


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