20 November 2017

À l'abordage en Acadie

Détail d'une toile de Claude Joseph Vernet
Deux anecdotes croustillantes puisées d'un même document des archives françaises, portant sur des Britanniques qui kidnappent un pilote et des Acadiens qui en ont plein le casque de se faire déporter:
Le 8. fevrier [1756] un Bâtiment Anglois vint dans le bas de la Riviere S.t Jean, il fit des signaux françois et envoya sa chaloupe à terre pour demander un pilote disant qu’il revenoit de Loüisbourg chargé de vivres. Un acadien eut la legerté d’aller a son bord; mais il n’y fut pas plutôt que le capitaine fit hisser son pavillon et fit une decharge de son artillerie sur les Acadiens qui êtoient a terre, aprés quoy il se rendit dans le havre. Mais les acadiens s’embusquerent, et firent un feu si vif de leur mousqueterie qu’ils l’obligerent à s’en retourner à Port Royal.
Les Anglois ayant pris et fait embarquer de force a Port Royal 36. familles Acadiennes faisant nombre de 226. personnes pour les conduire à la Caroline, ces Canadiens se revolterent et S’êtant rendus maîtres du Bâtiment le menerent a la Riviere S.t Jean le 12. fevrier [1756]. Il sera rendu un compte particulier de cette avanture parce que le Capitaine du Bâtiment pretend qu’il est Portugais. 
[Mise à jour du 2024-03-04: Le navire serait le Pembrooke]

Source:

ANOM, Colonies, C11A 100, F° 376-383. Feuille au roi à propos de ce qui s'est passé en Amérique depuis le mois de février (lettres apportées par la frégate la Sauvage). Juillet 1756.

17 November 2017

14 November 2017

Conférences, édition automne 2017

Ce n'est pas le nord, en tout cas!
La saison des conférences automnales m’a gardé très occupé cette année. J’ai passé une bonne partie du mois d’octobre au Michigan chez de bons amis, entre deux colloques. En tout, j’ai donné trois communications en moins d’un mois.

La rivière Mobile

Marqueur indiquant approximativement où on croyait
se trouvait le premier site de La Mobile

L'archéologue Greg Waselkov nous présentant le chantier archéologique.
Les sillons indiquent l'emplacement des murs des maisons.

Ici se trouvait un des bastions du premier fort de La Mobile

La première fut à La Mobile en Alabama, pour le congrès annuel du Centre pour l’étude du Pays des Illinois. Invité à y participer par l’archéologue Greg Waselkov, j’ai eu l’immense plaisir de découvrir l’ancienne capitale de la Louisiane. La journée du vendredi 6 octobre fut consacrée à la visite de différents sites importants du Régime français dans la région. Pour débuter, nous avons eu le plaisir de visiter le chantier archéologique de la vieille Mobile sur la rivière du même nom. Le site, aussi intéressant et riche en artéfacts soit-il, pose de nombreux défis aux archéologues : son cimetière, par exemple, se trouve sous un marécage qui s’est formé suivant la construction de deux routes sans drainage. C’est d’ailleurs dans ce cimetière où se reposerait Henri de Tonty. N’empêche que le site demeure d’une richesse exceptionnelle pour le patrimoine archéologique du sud des États-Unis.

Le musée d'archéologie de la University of South Alabama.

Malgré sa petite taille, ce musée contient une excellente exposition sur
la présence amérindienne et française à La Mobile.

Greg Waselkov explique les artefacts aux chercheurs présents.

Après, nous avons visité la magnifique University of South Alabama Archaeology Museum. Malgré sa petite taille, il s’agit néanmoins d’un des plus beaux musées dédiés à un site de la Nouvelle-France.

La maison La Pointe-Krebs, la plus vieille maison française encore debout
dans le sud des États-Unis.

Finalement, nous avons eu le privilège d’aller dans l’état voisin, au Mississippi, pour visiter la maison La Pointe-Krebs, sans doute la plus vieille construction française existant toujours dans le bassin du golfe du Mexique. Bien qu’il y ait un doute à savoir si la maison date réellement des années 1750 ou si son bois de construction a été simplement recyclé d’une maison antérieure, son statut patrimonial en demeure intact tout de même.

Cathrine Davis parle au sujet des sceaux de plombs.

Quand on fuit un ouragan, il faut s'approvisionner!
Alors que tous et toutes se plaisaient à visiter ces endroits, on ne pouvait s’empêcher d’être nerveux : on annonçait l’arrivée de l’ouragan Nate pendant la fin de semaine. Dans une tentative de sauver les meubles (le cas de le dire!), nous avons présenté pendant la réception du vendredi soir les conférences qui devaient avoir lieu samedi après-midi. J’y présentais ma recherche sur l’espionnage en Louisiane pendant la guerre de Sept Ans. Le lendemain, nous avons compressé les autres communications en matinée, nous donnant ainsi amplement de temps pour quitter la région. Si l’ouragan, en fin de compte, ne fit que quelques pannes d’électricité (un peu plus de 50 000 habitants) et quelques inondations anticipées, il valait mieux être prévoyant et ne pas tirer le diable par la queue.

Au cas où on oublierait qu'ici, c'est le sud...

Entrée de Mammoth Cave

Des fantômes? Non! Une photo à longue exposition.
(Il fait sombre dans une caverne!)

La cavité à qui on doit le nom de la caverne entière.

Ce qui restait de l'ouragan Nate nous avait rattrapé au Kentucky.

Sur le chemin du retour, j’ai eu l’immense plaisir d’accomplir un rêve d’enfance en visitant le célèbre Mammoth Cave au Kentucky. Le plus long réseau souterrain au monde, cette caverne a toujours frappé mon imaginaire depuis que j’ai écouté avec mon père un documentaire sur les grottes. C’est d’ailleurs l’histoire de cette équipe de spéléologues qui, en 1972, firent la découverte du lien entre la caverne Flint et Mammoth qui m’a toujours hanté en particulier : quelle aventure! Quel courage! Si ma petite visite d’une heure et demie ne se comparaissait pas à leur accomplissement, elle n’était pas moins fascinante. J’ai certainement l’intention de retourner visiter ce parc national à l’avenir.

Cathrine Davis présente sa recherche sur l'artillerie au fort Ticonderoga.
Du 13 au 15 octobre, je me déplaçais pour participer à la 13e édition de la Midwest Historical Archaeology Conference qui avait lieu à la Purdue University à Lafayette, Indiana. C’est avec grand plaisir que j’acceptais l’invitation de l’archéologue Michael Nassaney à venir discuter de mon expérience en tant qu’historien avec des reconstituteurs historiques (Historical reenactors).

J’ai d’ailleurs adoré le format de la conférence. Normalement, dans le déroulement habituel d’un colloque, chaque présentateur donne une communication de 20 minutes avec une période de questions de 20 à 30 minutes à la fin de la séance. Au lieu, nous avions chacun ici 10 minutes pour parler. Après, chaque présentateur s’assoyait à une table et discutait avec les gens qui s’y trouvaient. Après 10 minutes, il y avait une rotation des gens. J’ai trouvé que ce format était plus constructif que celui auquel j’étais habitué. Je craignais d’abord que je me répèterais à chaque table, par peur de sans doute recevoir les mêmes questions. Mais non! Sur les 5 ou 6 rotations, je ne me suis jamais répété. Ce format, selon moi, mène à des discussions plus constructives et enrichissantes que le format traditionnel des colloques.


Le site archéologique du fort Ouiatenon.
Tout près du vrai site du fort Ouiatenon se trouve le "Blockhouse",
une reconstitution anachronique de 1930.
La rivière Wabash, une des routes fluviales les plus importantes sous le
Régime français.
Le clou de la conférence fut la visite du site archéologique du fort Ouiatenon. Bien que le site s’agisse pour l’instant que d’un champ sans vestiges visibles à la surface, la Tippecanoe County Historical Association espère créer un centre d’interprétation. Justement, avant de visiter le site, nous avions eu le plaisir de participer à une séance de remue-méninges en vue de sa construction.

Enfin, du 19 au 21 octobre avait lieu le congrès annuel de l’Institut d’histoire de l’Amérique française à Montréal où je présentais au sujet de l’utilisation du déguisement pour infiltrer et espionner l’ennemi pendant la guerre de Sept Ans. Je suis heureux d’annoncer que ma communication a été bien reçue, et que mon directeur m’encourage d’en faire un chapitre dans ma thèse. On verra!

D’ailleurs, parlant de ma thèse, après trois semaines chargées à courir les conférences, il est maintenant le temps que je m’y remette! À bientôt!