31 March 2014

Brief "Appearance" on SGU

I wasn't sure what to make of this wee bit of news. It's not really New France related, but I do feel like bragging a bit. I'm a regular follower of the Skeptic's Guide to the Universe. You can imagine my surprise when my favourite podcast read my letter shedding new light on a historical conundrum they had. If you care to hear my intervention, it's 48 minutes into the show. Click on the logo below to listen and to discover the podcast if you hadn't heard of it to begin with:




30 March 2014

Un premier tatouage!

Un peu de vanité? Peut-être. Le tatouage que vous voyez ci-haut est un cadeau de la part de mon frère Philippe pour mes trente ans et pour commémorer la fin de ma maîtrise après quatre longues années d’exploration. Effectivement, j’ai passé les dernières années à sillonner l’Amérique du Nord, du Québec au Michigan, de l’Illinois à la Louisiane, sur les traces de mes sujets d’étude. Je ressentais donc un besoin pressant de célébrer l’aboutissement de cette aventure avec une commémoration spéciale.

Ma décision de me faire tatouer était en même temps le point culminant de trois ans de réflexions. J’admirais le travail d’Arnaud Balvay au sujet du tatouage en Nouvelle-France. En lisant sa recherche, je me trouvais enclin à partager l’expérience de ces officiers qui se sont fait « piqués » par les Amérindiens. Comme l’écrit Balvay :
Le tatouage est […] une marque, un stigmate qui rappelle au tatoué son appartenance au groupe social. Comme l'a écrit Pierre Clastres, « la marque est un obstacle à l'oubli, le corps lui-même porte imprimées sur soi les traces du souvenir, le corps est une mémoire (...) La marque dit assurément leur appartenance au groupe: "Tu es des nôtres et tu ne l'oublieras pas" » C'est pour cette raison que le tatouage joue un rôle important dans les relations franco-amérindiennes. (Arnaud Balvay, L’Épée et la Plume : Amérindiens et soldats des troupes de la marine en Louisiane et au Pays d’en Haut (1683-1763), Thèse de Doctorat, Université Laval et Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2004, p.191)
Bref, je sentais déjà un besoin de souligner mon dévouement à l’histoire de ces gens. Je ressentais que me faire tatouer me rapprocherait d’eux de quelque manière personnelle…
Mais voilà la question qui tue : quoi me faire faire? Quelque chose d’époque? Mais quoi? Comme l’écrit Balvay :
Si tous les observateurs évoquent les tatouages, et surtout la façon dont ils sont réalisés, rares en revanche sont les illustrations de motifs représentés. Cependant, il semble que la symbolique de ces tatouages emprunte principalement ses représentations à la faune et à la flore. Les serpents, les lézards, les écureuils, les tortues ainsi que des fleurs ou des feuilles forment avec d'autres éléments naturels comme le soleil ou la lune l'ensemble des images tatouées. L'arrivée des Européens fait évoluer ces motifs de telle sorte que lorsque Diéreville visite l'Acadie en 1708, il voit de nombreux tatouages amérindiens dont les motifs sont d'inspiration européenne. (Balvay, p. 189).
Mais je n’ai jamais réussi à tomber sur une image d’époque que j’aimais. En fin de compte, je revenais toujours à cette image. Le lecteur assidu de mon blogue va sans doute reconnaître qu’il s’agit du logo de la commémoration du 250e anniversaire de la guerre de Sept Ans par l’État de la Pennsylvanie (http://www.warforempire.org/). Comme vous vous souviendrez d’un article précédent sur ce blogue, je louais la beauté et la simplicité de ce design évocateur.

Ainsi donc, le 8 avril dernier à La Suite, surmontant une dernière hésitation, je laissais mon tatoueur me « piquer » à mon tour. Malgré ma phobie de tout ce qui est aiguille et seringue, j’ai cru bon que mon dévouement à la mémoire de la Nouvelle-France et de ceux qui l’ont défendu soit plus important que mes peurs. J’ai tenté d’imiter l’officier Bossu, qui écrivait au sujet de son tatouage chez les Arkansas : « Je me suis prêté de bonne grâce à cette opération douloureuse » (Balvay, p. 195).

Voilà donc le résultat, après une heure et demie de douleur!

Et pourtant, je songe déjà à mon prochain pour la fin du doctorat…


25 March 2014

La Corriveau rôde toujours!


La Corriveau : de l'histoire à la légende
Par Catherine Ferland et Dave Corriveau

Éditions du Septentrion

2014

392 p.

Disponible ici.
Un certain jeudi après-midi, je prenais un café avec l’historienne Catherine Ferland, une de mes plus proches amies. Selon ce qu’elle m’a rappelé plus tard, je lui aurai parlé de mon intérêt pour la légende de La Corriveau et du fait que c’était le genre de sujet qui méritait une nouvelle recherche, quitte à devoir moi-même écrire un livre. Malheureusement, en tant qu’étudiant à la maîtrise à l’époque, je n’avais évidemment aucun temps à consacrer à ce projet. N’empêche, nous avons continué de discuter au sujet de l’historiographie et de la légende entourant ce personnage qui, on se le rappelle, avait été encagée en punition du meurtre de son mari en 1763. Et, toujours selon Catherine, c’est notre discussion qui lui a planté l’idée de prendre le relais et d’écrire ce livre d’elle-même, accompagnée de son partenaire, Dave, un Corriveau lui aussi...

Les auteurs avec la présumée cage de la Corriveau
Photo : Joseph Gagné, 2013
Je suis franchement heureux que ça soit eux qui ont se sont donné le devoir de dépoussiérer et de compléter l’histoire de Marie-Josephte Corriveau, dite la Corriveau. Parler de cette dernière prend des auteurs particulièrement habiles : après tout, on peut se perdre dans les méandres de cette histoire avec ses nombreux personnages et les nombreux témoignages conflictuels. Même les historiens les plus aguerris doivent procéder à plusieurs relectures minutieuses d’études précédentes pour bien comprendre le déroulement du procès de Marie-Josephte. Pourtant, avec finesse et élégance, Catherine Ferland et Dave Corriveau ont très bien su relever le défi. Ils dressent justement un portrait clair et précis des événements en évitant le piège de mélanger leurs lecteurs. Ce n’était pas une tâche facile. Je le répète, les faits et les témoignages de l’incident sont compliqués et tordus.

S’aventurant entre une étude historique, ethnologique et anthropologique, les deux auteurs ont pourtant triomphé en produisant ce qui sera probablement à jamais connue comme l’étude définitive sur la Corriveau, son histoire et son influence sur l’imaginaire canadienne-française. Avec sa lecture agréable et naturelle, le livre comprend d’ailleurs une plaisante collection iconographique qui vient complémenter le texte.
Bien que les auteurs et l’éditeur aient cherché à faire paraître ce livre avant la fin de 2013 afin de souligner le 250e anniversaire du destin tragique de Marie-Josephte, la qualité de cet ouvrage compense amplement pour sa sortie « tardive ». Bien qu’à saveur plus scientifique, ce livre saura captiver tant le public savant que général.

Le livre est divisé en deux parties. La première reprend les faits derrière la vraie histoire de la célèbre « meurtrière ». Tout en reprenant l’historiographie scientifique développée depuis la découverte des documents du procès dans les années 1940 (voir ce lien pour les lire), Ferland et Corriveau ont déterré de nouveaux détails importants de cette histoire.

La seconde partie du livre se penche sur la « construction de la légende de la Corriveau ainsi qu’à son singulier retentissement dans la mémoire collective et au niveau patrimonial. » (p. 23) Partant des premiers écrits inspirés par la découverte de la cage vers 1851 jusqu’aux plus récentes incarnations médiatiques de la légende de la Corriveau, Ferland et Corriveau font un ample tour de table qui nous permet de comprendre comment chaque génération à su s’approprier cette légende à sa façon. Évoluant du simple conte à faire peur pour devenir entre autres un symbole féministe et une incarnation d’un peuple en mal de liberté, jamais Marie-Josephte n’aurait cru que son destin serait ainsi revendiqué et imputé à autant de causes…

Notons qu’une telle étude scientifique, qui fait l’analyse rigoureuse de l’histoire de la Corriveau sous tous ses angles objectifs, risquerait de dérober au lecteur une part de l’aura de mystère et de macabre traditionnellement imputée à cette légende… Et pourtant non, d’autant plus que les deux compositions incluses en annexe par les auteurs ne font que réaffirmer que nous avons toujours raison de frissonner à la penser de cette cage accrochée du haut de son support, grinçant dans le vent… ou est-ce plutôt le son d’une lamentation fantôme d’une victime de son temps, nous appelant de l’au-delà?...