Les représentations authentiques d'Autochtones dans l'iconographie d'époque sont rares mais souvent spectaculaires. Source: National Archives |
Ma très chère amie Marie-Hélaine Fallu vient de publier une
réflexion au sujet
des costumes autochtones dans le film Le
Dernier des Mohicans de Michael Mann (1992). Ce billet m’inspire à mon
tour de partager ici une courte pensée au sujet du double dilemme pour les spécialistes
de la Nouvelle-France. D’une part, les cinéastes nous consultent rarement au
sujet des habits autochtones avant de tourner un film d’époque. De l’autre, lorsqu’ils
le font, on peine à leur fournir du bon matériel visuel.
L'homme sauvage "classique" |
La réalité est que les bonnes représentations d’époques d’Autochtones
en Nouvelle-France sont rares. Lorsqu’on les retrouve dans les sources
imprimées, il s’agit le plus souvent de représentations fantastiques suivant
les clichés et les modes artistiques du 17e et 18e siècle. Après tout, le tableau de la mort
de Wolfe par Benjamin West était célèbre justement parce que (malgré ses
quelques inexactitudes) il s’agissait du premier artiste britannique à chercher à représenter
une scène historique de manière réaliste, plutôt que par le prisme de l’antiquité classique
(comme la mort de Montcalm, représenté à la même époque avec des motifs grecs
et romains). Les Autochtones, donc, étaient pendant longtemps représentés le
plus souvent sous la figure de l’homme « sauvage » de la tradition
classique. Il faut vraiment creuser pour trouver des images authentiques. Et
même lorsqu’on en trouve, elles soulèvent souvent plus de questions que de
réponses: s’agit-il dans ce cas d’un costume typique? Cérémonial? Pour la
guerre? Le quotidien? À quelle nation appartient le figuré?
Une reconstitution archéologique. Source: Brown, 1971. |
La première fois que j’ai offert à un cinéaste de l’aider
avec sa recherche au sujet des habits autochtones en Nouvelle-France, j’ai
consulté de nombreux collègues et nous sommes vite tombés d’accord qu’il n’y a
que deux bonnes synthèses à notre connaissance (cliquez sur les images pour commander):
Néanmoins, ces deux livres ne font que gratter la surface de la période du Régime français qui s'étire sur plus de deux siècles. (Et en passant, si vous en connaissez d'autres, laissez-moi savoir). Bref, il n’y en aura pas de facile pour tout historien qui
se fait aborder pour son aide en matière de costumes autochtones d’époque. Il doit
s’attendre à creuser dans les sources et l’iconographie pour aider son client.
Tristement, même si un cinéaste veut être aussi fidèle à l’histoire
et le plus authentique possible avec les costumes, il arrive qu'il n'a pas le budget à investir pour embaucher des
historiens et doit souvent se contenter de louer des costumes préfabriqués.
Dans ces cas-ci, ces restrictions imposées sont pardonnables. Mais dans le
cas des grosses productions hollywoodiennes (comme celle en train de tourner à
Québec en ce moment que je ne nommerai pas…), ne pas tenir compte des avis d’historiens
est impardonnable. Dans le cas du Dernier
des Mohicans, Michael Mann a tout de même cherché à rendre son film le plus
authentique possible avec les informations à sa disposition au début des années
1990. Même si le film a
sa part de petits détails mal interprétés, rien n’empêche que presque 30
ans après sa création, il se tient tout de même bien comme exemple de film dont le soucis d'authenticité est à imiter et à surpasser aujourd’hui.
Beaucoup trop d'entorses sont faits aux costumes sous la raison d'être un espace de créativité pour le designer dans les séries des dernières années. Comme souligné dans l'article, le manque de budget est tristement une raison suffisante pour devoir se contenter des costumes existants.
ReplyDeleteJe ne peu passer sous silence une source excellente pour mieux connaître à quoi ressemblait le costume autochtone en Nouvelle-France : l'oeuvre iconographique du regretté Francis Back, illustrateur historique. Francis faisait énormément de recherches en archives et d'analyse fine de l'iconographie de l'époque. Le résultat était des dessins d'une grande valeur pour représenter le costume des Autochtones et des habitants de la Nouvelle-France à diverses époques. Il a aussi publié plusieurs articles dans la revue Cap-aux-Diamants (disponibles sur erudit.org) en plus d'avoir illustré de nombreux livres (Pour le Christ et le Roi, Les Coureurs des bois...) et créé des illustrations pour de nombreux musées et lieux historiques au Québec, au Canada et aux USA. Toutes ses illustrations étaient le résultat de recherches équivalentes à celles de bien des mémoires de maîtrise. Francis Back a aussi conseillé de nombreuses productions cinématographiques et télévisuelles en ce qui concerne l'habillement des Autochtones. Dans le cas de la série Séhawé, il a fait faire des tatouages pour les personnages autochtones, basés sur des descriptions d'époque et les rares dessins fait de la main d'Autochtones en Nouvelle-France.
ReplyDeleteAndré, existe-t-il un imagier qui recueille toutes les images de notre très cher Francis Back? Je regrette n'avoir fait que commencer à entretenir une correspondance avec lui avant sa mort.
DeleteBonjour Joseph! Je viens juste de voir ta question. Malheureusement, il n'y a pas d'imagier rassemblant toutes les œuvres de Francis Back. Je sais que la personne en charge de liquider sa succession est présentement à la recherche des illustrations faites pour diverses institutions mais je ne sais pas quel est le but de la démarche. Les archives de recherche de Francis ont été léguées au Musée de Pointe-à-Callières. Personnellement, j'ai créé un album Pinterest avec les images d'illustrations de Francis que j'ai trouvé sur Internet. J'en ai plus d'une centaine à date; il y a probablement des doublons. Voir : https://www.pinterest.ca/andrgousse/illustrations-par-francis-back/
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