Comme historien, on se doit d'être objectif en étudiant son sujet. Mais cela ne veut pas dire que de temps en temps on ne peut pas être ému. Ceci dit, j'aimerais vous partager un petit moment de vulnérabilité personnelle alors que fouillais les archives récemment.
Pendant mes recherches pour ma thèse de doctorat, je commençais à garder l’œil ouvert pour Miramichi, ayant identifié son importance dans le cadre du renseignement militaire. Voici un extrait de ma thèse:
En 1755, une lettre de Vaudreuil au ministre propose que les messagers empruntant la Saint-Jean doivent rejoindre Shédiac ou Cogagne[1]. Dans les faits, une vérification des reçus pour services de courrier contenus parmi les billets de l’Acadie[2] démontre que les messages passent plutôt par Miramichi, plus au nord. En effet, depuis la perte du fort Beauséjour en 1755[3], le courrier pour l’Acadie provenant tant par la terre que par le fleuve transite par cette rivière, plus précisément sur l’île Beaubears où, en 1757, Boishébert fonde son nouveau quartier général qui sert de refuge à environ 1 500 d’Acadiens[4].
En même temps que je rédigeais ces lignes, je me plaisais à imaginer ce à quoi pouvait ressembler ce quartier général et le petit village de réfugiés. Compte tenu de l'histoire du Grand dérangement, j'admirais cette bande d'Acadiens en train de résister l'ennemi malgré tout, tout en travaillant ardemment à maintenir les liens de communication entre l'état-major à Québec et Versailles. Toutefois, j'en suis venu à découvrir à quel point je m'étais attaché à ces gens lorsque j'ai eu un léger pincement au cœur et presque la larme à l’œil en découvrant leur sort, imaginant leur consternation à la vue de la flotte britannique:
Néanmoins, après avoir conquis Louisbourg, les Britanniques remontent le long de la côte et détruisent les établissements français. À son arrivée à Miramichi, James Murray ne peut que constater que l’endroit fut évacué avant son approche à la vue de leurs navires. L’importance de la rivière en matière de communication n’échappe pas à l’officier qui note « That there is a Communication from the head of the Miramichi River to Québeck by River & Lakes a few portages excepted[5] ».Bien que le courrier ne cessera pas totalement de circuler par Miramichi, il devient pressant de trouver des voies alternatives où le faire passer.
L'histoire de ma relation avec Miramichi dans les archives s'était arrêté là, puisque je devais bien sûr passer à d'autres sujets abordés dans ma thèse. Néanmoins, je continuais à maintenir un certaine curiosité: mon imagination était encore obsédée par l'idée de savoir ce à quoi ressemblait ce poste. Malheureusement, comme dans la majorité des cas, l'imagination doit suffire, faute d'iconographie dans les sources. Du moins, c'est ce que je croyais jusqu'à cette semaine alors que je m'amusais à fureter BAnQ Numérique. Imaginez ma surprise en tombant sur une gravure... de Miramichi! Ainsi, après vous avoir expliqué ma relation avec cette image, j'ai le grand plaisir de vous partager cette gravure tirée de Hervey Smyth[6]:
[1]
« En conservant la rivière Saint-Jean, je pourrai avoir en tout temps des
nouvelles de Louisbourg, il ne s’agira que de traverser de l’isle Saint-Jean à
Chedaïk, ou en suivant les terres, après avoir passé le passage de Fronsac,
aller à Chedaïk ou à Cocagne. » Vaudreuil. À Montréal, le 18 octobre 1755,
dans Casgrain (dir.), Extraits des archives des Ministères de la Marine et de la Guerre à Paris : Canada, correspondance générale, MM. Duquesne et Vaudreuil, gouverneurs-généraux (1755-1760), Québec, L.-J. Demers & Frères, 1890, p. 66.
[2]
Ces billets font parti du fonds de la Série V7, Commissions
extraordinaires du Conseil aux ANOM.
[3]
Avant la prise du poste, le courrier transitait sur le Saint-Laurent pour
rejoindre la baie Verte, pour ensuite suivre un portage de trois lieues jusqu’au
fort Beauséjour. Lévis à Mirepoix. Au camp de Carillon, le 4 septembre 1757,
dans Casgrain (dir.), Lettres du chevalier de Lévis concernant la guerre du Canada (1756-1760), Montréal, C. O. Beauchemin & Fils, 1889, p. 148.
[4]
Aujourd’hui il s’y trouve le lieu historique national Boishébert. Johnston, 1758
la finale : promesses, splendeur et désolation de la dernière décennie de Louisbourg, Québec, Presses de l’Université Laval, 2011, p. 117-118; Phyllis E. LeBlanc,
« Charles Deschamps de Boishébert et de Raffetot », dans Dictionnaire biographique du Canada, Volume IV
de 1771 à 1800, Québec,
Presses de l’Université Laval, 1980, p. 230-232 et Montcalm, Le journal du Marquis de Montcalm, Montréal, Éditions Michel Brûlé, 2007, p. 147.
[5] « Purport of Coll. Murray’s
Report of his Proceedings at Miramichi » dans McLennan, Louisbourg: From its Foundation to its Fall 1713-1758, Londres, Macmillan and Co., Ltd., 1918, p. 421-422.
[6] « A view of Miramichi, a French settlement in the Gulf of St. Laurence, destroyed by Brigadier Murray detached by General Wolfe for that purpose, from the Bay of Gaspe = Vue de Miramichi, établissement françois dans le golfe de St. Laurent, détruit par le Brigadier Murray, détaché à cet effet de la baye de Gaspé, par le Général Wolfe / drawn on the spot by Capt. Hervey Smyth ; etch'd by Paul Sandby ; retouch'd by P. Benazech » Londre, publish'd according to Act of Parliament Nov. 5. 1760 by T. Jefferys, the corner of St. Martins Lane, [1760] En ligne: http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2448572
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