En tant qu'historien, je suis spécialiste d'une époque particulière. Cela ne veut pas dire pour autant que je suis familier avec tous les particuliers de cette époque! Voici un exemple qui m'a vraiment fait gratter le ciboulot en essayant de comprendre cette anecdote de Bougainville pendant le siège du fort Carillon en 1758:
Na. Le Sr Marin avait proposé à St-Jean, de se jeter dans des bateaux sans aucun délai, d’arriver à Carillon avec du biscuit ou de la colle, de faire, en débarquant dans le bois, le cri sauvage dont les Anglais ont une grande frayeur et d’essayer par cette attaque imprévue de rompre la ligne des ennemis, s’ils nous eussent bloqués. Mais ce conseil était celui d’un jeune homme plus zélé que prudent. Nestor fut souvent obligé d’arrêter la fougue des Achille et des Ajax. (Louis-Antoine de BOUGAINVILLE, Écrits sur le Canada, Québec, Septentrion, 2003, p. 284.)
Du biscuit ou de la colle? J'imaginais mal le rapport entre des biscuits et de la colle et une attaque contre la ligne britannique...
C'est donc en vérifiant le Dictionnaire de l'Académie française de 1762 (disponible avec un moteur de recherche sur Dictionnaires d'autrefois) que j'ai percé ce mystère:
Biscuit: [...] On dit proverbialement & figurément, S'embarquer sans biscuit, pour dire, S'engager à une entreprise, sans avoir les choses nécessaires pour y réussir.
Colle: [...] On appelle Colle, parmi le petit peuple; une bourde, une menterie, & une chose controuvée à plaisir. Voilà une bonne colle, une franche colle. Il lui a donné une colle.
Bref, de toute évidence, Bougainville est donc en train d'expliquer que l'opération suggérée par le sieur Marin était un plan broche à foin, comme on dirait de nos jours!
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