05 September 2016

Artillerie, Rangers et la grande route



Question de terminer l'été sur une bonne note et de nous gâter un peu avant le début du nouveau semestre, moi-même et deux amis avons pris la route pour les États-Unis. Notre destination: le fort Carillon, ou Ticonderoga, pour y voir une exposition sur l'artillerie du XVIIIe siècle. Nous avions une excellente raison d'y aller à part l'intérêt intrinsèque du sujet: l'an dernier, en préparant l'exposition, le fort Ticonderoga avait embauché ma copine, Cathrine, pour y mener de la recherche sur les affûts d'artillerie.

Il était donc bien temps de voir le fruit de ses efforts avant la fin de l'exposition en octobre!

C’était le gros départ le lundi 29 août à bord de notre voiture louée. Au déplaisir de Michel, le troisième mousquetaire de cette aventure, je n'ai pas pu faire jouer la trame du film Le dernier des Mohicans puisque l'automobile n'était compatible qu'avec le iPhone et non mon Android…

Quel paysage magnifique!

Qu'importe: à défaut d'une piste sonore envoûtante, on se laissait autant emporter par la beauté du paysage. Bien qu'il s’agisse de ma quatrième visite dans le nord de l'état de New York, je suis toujours impressionné par les Appalaches et ses énormes conifères.
 
Thomas Barber, mort le 18 décembre 1827
 à l'âge de 76 ans

Premier arrêt: le cimetière de Ticonderoga où on admirait les pierres tombales de colons américains. Tâche difficile puisque plusieurs des pierres, et non que les plus anciennes, étaient érodées par le temps et les éléments. Il est intéressant à noter que plusieurs des premiers colons américains arrivés dans cette région étaient des vétérans de la guerre de Sept Ans, installés ici sans savoir que les terres appartenaient d'abord aux seigneurs canadiens. (À ce sujet, voir mon article  « Entre revendication et résignation : Les seigneuries du lac Champlain et la frontière new-yorkaise, 1763-1783 » dans Benoît Grenier et Michel Morissette, dir. Nouveaux regards en histoire seigneuriale au Québec. Québec, Septentrion, 2016. pp. 61-91.)


Charles Keck, 1924: "To commemorate the successive struggles
in and about Ticonderoga by the Indian - French - Englishand American nations"

Pour les deux prochains soirs, nous logions au Circle Court Motel. Il s'agissait d'un des endroits les moins chers où rester à Ticonderoga. La plupart des autres hôtels chargeaient des prix au-dessus de 200$ par nuit. (À noter que ces prix baissent souvent de moitié l'automne arrivé). Au milieu du rond-point en face du motel se dresse une superbe statue dédiée « À commémorer les luttes successives à et autour de Ticonderoga par les nations indienne, française, anglaise et américaine. »

Une démonstration de tir.

Le lendemain, ce fut le plaisir de retrouver ce cher fort Carillon, où Montcalm y gagna sa plus brillante victoire en Amérique. Cette année, toutefois, l'organisation du fort soulignait l'an 1777 et la Révolution américaine. Il est à noter que le fort alterne chaque année entre une année de la guerre de Sept Ans et une année de la guerre d'Indépendance américaine, question de bien représenter les deux périodes et en offrant une nouvelle expérience aux visiteurs qui reviennent.


Cathrine, immensément fière de voir sa recherche mise en valeur
dans l'exposition.


L'exposition sur l'artillerie ne nous a certainement pas laissé sur notre faim! Intitulée « The Last Argument of Kings: The Art and Science of 18th-century Artillery », le montage exhibait les plus belles pièces d'artillerie des collections du fort. D'ailleurs, il fut intéressant de découvrir qu'en ce moment, le fort contient plus de canons qu'à n'importe époque précédente grâce aux nombreuses acquisitions au fil des années.

Mais quelle histoire!

Plusieurs des pièces avaient toute une histoire qui leur était rattachée, en particulier un mortier fendu (voir la légende dans l'image). Outre les divers modèles de canon présentés, on y retrouvait des reproductions d'iconographie tirées de divers mémoires d'artillerie, dont de Saint-Remy. Bref, la visite fut très agréable et instructive.

Le fort Carillont (Ticonderoga) vu du mont Defiance.

Et comment ne pas terminer notre passage à Ticonderoga sans gravir le Mont Défiance juste en face du fort? (Dis-je en l'ayant raté lors de mes trois dernières visites au fort…) Et quelle vue spectaculaire! Il faut vraiment se demander toutefois ce que Michel Chartier de Lotbinière pensait lorsqu'il choisit l'endroit pour construire le fort Carillon en 1755… Comme l'Histoire le démontrerait, le mont Défiance (appelé le Pain-de-Sucre par les Français) et sa position élevée en faisait l'endroit parfait d'où viser son artillerie sur le fort…

Rogers' Rock sur le lac George.

Une reconstruction fidèle. Promis...

Oh boy...

Un repos bien mérité sur une plage du lac George (anciennement le lac Saint-Sacrement) terminait la soirée. Sur l'autre berge, juché sous un superbe coucher de soleil, se tenait Rogers' Rock. Selon la légende, le célèbre Robert Rogers, mis en déroute par un parti composé de Français, de Canadiens et d'Amérindiens, dû s'échapper en glissant le long de ce promontoire. Fait réel? Une autre exagération comme il en existe tellement dans la biographie de Rogers? Mystère.

Outre la baignade, Cathrine et Michel s'amusaient à construire leur propre château de sable, ou plutôt, leur  fort de sable.

Un des nombreux dioramas du musée de Rogers' Island. 

Robert Rogers en chair et en... en... bref...

Pour notre dernière journée dans la région, immédiatement au lever nous nous sommes dirigés vers le village de Fort Edward pour y explorer un peu avant de visiter le village de Lake George. Nous sommes tombés accidentellement sur un superbe petit musée dédié à Rogers' Island. Ce petit gem que nous ne connaissions pas porte à la fois sur l'histoire de Rogers' Island (le lieu où les Rogers' Rangers étaient entraînés), le fort Edward et l'histoire de Jane McCrae. Artefacts, dioramas et maquettes étaient au rendez-vous. En tout, un beau petit musée qui vaut bien la peine d'y entrer.

Fort Geoge, lac George.

William Johson et King Hendrick.
Photo: Cathrine Davis

Statue d'Isaac Jogues.
Photo: Cathrine Davis

Avant que la journée progresse trop, nous sommes allés visiter le parc du fort George, près du fort William Henry dans le village de Lake George. Malgré mes nombreuses visites, j'ai eu la surprise de découvrir la superbe statue dédiée au père Isaac Jogues, celui qui rebaptisa le lac Andiatarocte du nom de Saint-Sacrement (et plus tard rebaptisé à nouveau par William Johnson sous le nom de Lake George).

La reproduction d'une barque britannique (mais au design français?)
au lac Champlain.
Photo: Cathrine Davis

Photo: Cathrine Davis

Enfin, sur le chemin du retour, nous avons fait un petit détour pour visiter le Lake Champlain Maritime Museum au Vermont, à 20 ou 30 minutes de route du pont Champlain. Si le musée négligeait le Régime français au profit de la Révolution américaine, on y trouvait néanmoins la reproduction d'une barque coulée en 1758. Mon plus grand chagrin fut qu'on manquait de temps pour vraiment profiter du musée.

Après une superbe sortie de trois jours, il fallait bien qu'on revienne en plein orage une fois ayant passé la frontière du Québec. N'empêche, ce fut une fois encore une excursion agréable sur les traces de la Nouvelle-France dans le nord de l'état de New York. 


Disons qu'on s'est éclaté...

2 comments:

  1. Beau voyage, bel article. Espérons que vous verrons plus souvent c'est long récit. Super intéressant. Merci!

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  2. Décidément ce site est un petit bijou pour tous ceux qui s’intéressent à l'histoire de l'Amérique du Nord au 17ième et 18ième siècle.

    Préparant un voyage à Washington DC et Philadelphie, je lisais le livre de l'historien Britannique Marcus Cunliffe "George Washington l'homme et la légende" afin de développer mon esprit critique avant la visite obligée à Mount Vernon. Bien entendu dans le livre il est question des guerres franco-indiennes pour la maitrise de la vallée de l'Ohio mais aussi du front Nord Est durant la guerre d'indépendance où le point de passage dans un sens et dans l'autre etait Fort Ticonderoga.

    Le livre fini, il me restait un doute ! Est-ce que les canons pris par les révolutionnaires américains à Fort Ticonderoga pour bombarder Boston étaient d'origine française ?
    Fort Carillon n'a-t-il pas été abandonné (comme Fort Duquesne) alors quid des canons français ?

    Et bien en lisant l'histoire du mortier qui a voyagé (voir "mais quelle histoire!" ci-dessus) j'apprends qu'au moins trois mortiers ont servi à bombarder Boston (et leur histoire ne s’arrête pas là) !

    Heureux habitants de Montréal qui peuvent descendre le lac Champlain, le lac Georges, faire un petit bout de chemin dans le pays du dernier des Mohicans et descendre le fleuve Hudson jusqu'à NY en mettant leurs pas dans cette histoire

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