Après une longue année à enseigner pendant
deux semestres, tout en occupant déjà un boulot à temps plein et ayant encaissé
un déménagement obligatoire de surcroît, il était grand temps pour moi de
partir en vacances. Inspiré par des collègues ayant déjà fait le voyage, j’ai
décidé de miser sur la « Big Apple » : direction, New York City! L’occasion s’apprêtait
bien d’ailleurs, puisque 2024 marque le 400e anniversaire de la
colonisation de l’île de Manhattan. Après le 400e de Québec en 2008
et le 300e de La Nouvelle-Orléans en 2018, pourquoi ne pas
faire un « tour du chapeau » en visitant une troisième ville à
l’occasion de la célébration de sa fondation?
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Johannes Vingbooons (1616-1670) Une vue de la
Nouvelle-Amsterdam, 1664 Nationaal Archief (Pays-Bas) 4.VELH 619.14. Présentement exposé à la New York Historical Society |
Quoique c’est techniquement New York que je
compte visiter, je poursuis en réalité l’ombre de l’ancienne identité coloniale
de la ville : la Nouvelle-Amsterdam. En effet, la moyenne des gens ne sait
pas que pendant ses quatre premières décennies, New York n’était pas une
colonie britannique, mais hollandaise.
Certaines parallèles entre la Nouvelle-Hollande (ou Nouvelle-Néerlande, comme
le préfère l’historien Bertrand Van Ruymbeke[1])
et la Nouvelle-France peuvent être relevés : non seulement la colonie
sert-elle à ses débuts à exploiter le castor, mais une partie de sa population était,
en fait, française. En effet, il se
trouvait quelques huguenots (c’est-à-dire des protestants français) parmi la
trentaine de familles envoyée pour coloniser le territoire en 1624[2].
En dehors de ces deux facteurs, la Nouvelle-Hollande avait tout de même une
identité bien à elle qui la démarquait de ses voisines britanniques et
françaises. En tant que spécialiste d’histoire coloniale, comment ne pas me
laisser interpeller par l’idée d’en découvrir davantage?
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Courir après les « fantômes » du passé
colonial de la ville de New York n’est pas chose facile… |
Se lancer à la poursuite des origines de la
ville de New York n’est pas chose facile : la croissance gargantuesque de
cette métropole mondiale au fil des siècles a oblitéré à peu près toutes traces
de son passé colonial, particulièrement sur l’île de Manhattan. Lors que mes
recherches sur Internet, je n’avais pu situer qu’une poignée d’endroits
intéressants à visiter. Même à cela, le visiteur ne peut pas s’attendre à y
retrouver l’équivalant d’une Place Royale comme à Québec. Au contraire, la
plupart de ces traces sont assez subtiles. De plus, je savais déjà que ma
visite allait être imparfaite, puisque je cherchais d’abord et avant tout à
m’initier à la ville pour la première fois, selon un horaire limité par la
priorité des autres lieux touristiques que je privilégiais aussi.
Épuisé par les derniers mois de surmenage,
je n’avais plus d’énergie pour entreprendre l’organisation nécessaire de mon
logement et de mon transport. J’ai donc décidé de me fier sur un voyagiste (« tour
opérateur »). Par la suggestion de mon amie Myriam, je me suis
« tourné » vers la compagnie J’ai mon tour (excusez mon mauvais
jeu de mot!). Quelle découverte fortuite : celle-ci offre une vingtaine de
forfaits vers différentes villes nord-américaines, incluant des formules
différentes. Imaginez donc mon plaisir en découvrant le compromis que je
cherchais : par leur option À votre rythme, j’avais accès au
transport, au logement, à deux visites guidées incluses et, le plus important
pour moi, la liberté de me promener où bon me chante pendant quatre jours.
Jour 1
Départ le vendredi à 1h du matin. Après un
arrêt à Drummondville, Trois-Rivières et Longueuil, nous voilà enfin en chemin
vers la frontière. La traversée des douanes se fait sans heurt et offre
l’occasion de s’étirer les jambes.
Notre guide s’appelle Émilie. Alors que
j’avais déjà hâte de découvrir New York, son enthousiasme contagieux augmente
l’anticipation. À notre approche, Émilie, en vrai showman (ou showwoman?)
nous invite à porter le regard vers l’horizon où apparait soudainement la vue
spectaculaire des gratte-ciels du célèbre centre-ville new-yorkais. Le temps
d’emprunter le tunnel Lincoln, nous nous retrouvons soudainement au sein même
de ce paysage.
Notre visite commence avec un tour guidé à
pied de Central Park. D’une superficie de 3,41 km2, le parc est donc
presque trois fois et demie plus gros que les plaines d’Abraham à Québec. À
notre arrivée, nous prenons le temps d’admirer la demeure où habitait John
Lennon avant son assassinat. Nous traversons le bout de parc qui lui est
toujours dédié, avec sa célèbre mosaïque « Imagine ». Émilie nous indique plusieurs autres endroits
reconnaissables. Pour n’en nommer qu’un seul, nous croisons un petit pont
pédestre — Bow
Bridge — que la plupart reconnaissent du film Spider-Man 3 (2007) de Sam Raimi. Pour ma part, en vrai enfant des
années 1980, je le reconnais du film Highlander
(1986).
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Bow Bridge, Central Park. « There can be only one! » |
Une fois notre visite terminée, on nous
libère pour aller où l’on veut. Pour ma part, je me dirige vers la Société
historique de New York (New York Historical Society) pour y
voir son exposition sur la fondation de la Nouvelle-Amsterdam. Plus petite que
ce à quoi je m’attendais, elle vaut quand même la peine pour voir des documents
originaux empruntés de la Hollande et de l’Italie à l’occasion du 400e
de la ville.
D’ailleurs, une fois sur place à New York, sa
date anniversaire semblait moins certaine : 1625 semblait parfois prendre
le dessus sur 1624. Comme le soulève l’historien Jaap Jacobs, plusieurs dates
de « fondation » peuvent se faire compétition. Souligne-t-on la prise
de possession du territoire (« achat » de Manhattan en 1624), ou
plutôt l’année à partir de laquelle l’occupation du lieu est devenue permanente
(1625)? Ou alors devrait-on reculer davantage dans le temps pour commémorer plutôt
les premières explorations européennes dans la région (le passage d’Henry Hudson
en 1609)? Dans le cas de ce dernier, on pourrait tout aussi bien remettre en
question le fait qu’Hudson était un Anglais à la solde des Hollandais.
Cependant, pour appuyer le contre-argument de Jacobs, il ne faut pas oublier
que Christophe Colomb, à la solde de l’Espagne, était pourtant un Génois. Ainsi
en est-il de même avec l’Italien Jean Cabot (lui aussi probablement de Gênes)
qui naviguait au nom de l’Angleterre, et Giovanni da Verrazzano, un italien né
à Lyon, explorant la côte américaine pour la France. Et par ailleurs, il ne
faut pas oublier qu’Hudson avait été incarcéré à son retour en Angleterre pour
le punir d’avoir travaillé pour un autre État… Donc, les contemporains
eux-mêmes savaient très bien à qui servait chacune de ces expéditions. Ainsi, pour
sa part, Jacobs souligne l’année 1609 comme date anniversaire de la colonie de
la Nouvelle-Hollande/Néerlande (ce qui explique d’ailleurs la date de la
parution de son livre en 2009).
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La « Shagen Letter, l’unique document témoignant de « l’achat » de Manhattan des Autochtones locaux. |
Pour ma part, je préfère m’accrocher à
1624, me donnant le prétexte de souligner l’importance de ma visite de New York
cette année. D’ailleurs, la date me donne également l’occasion de rappeler à
mon lectorat que les mythes fondateurs ont la vie dure aux États-Unis : le
Massachusetts a son histoire de Plymouth Rock, la Virginie a l’histoire
disneyifiée de John Smith et de Pocahontas, et New York a son anecdote comme
quoi l’île de Manhattan fut « achetée » pour 24$. D’où provient ce
chiffre? En réalité, comme le soulève Jacobs, il est né d’une comparaison entre
les 60 florins néerlandais (guilders)
payés en 1624 et le taux d’échange du dollar américain dans les années 1840 (la
même période quand fut trouvée dans les archives une lettre expliquant
« l’achat »)[3].
D’ailleurs, non seulement celle-ci serait la seule source de cette histoire,
elle ne nous permet pas de savoir si les Autochtones locaux comprenaient
réellement la teneur de l’engagement de la « vente ».
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Un lit de camp de la Révolution américaine. New York Historical Society. |
En somme, peu importe la vraie date de
fondation de New York, je me contente de la joie d’enfin y être pour le visiter
à mon tour. Cette première journée se termine avec une course effrénée pour
retrouver notre autobus garé au Downtown,
suivi d’une petite trempette dans la piscine de l’hôtel pour me dégourdir.
Claqué, je perds connaissance au moment exact où ma tête s’enfonce dans mon
oreiller.
Jour 2
Le lendemain matin, je me permets une
agréable visite de Times Square avant l’arrivée des foules. Décidément, les
autres touristes font la très grasse matinée. Profitant de la tranquillité, je discute
amicalement avec un agent de police et deux autres touristes américains.
L’agent nous raconte son vécu pendant la pandémie lorsque le silence régnait
sur un Times Square déserté... Du jamais vu pour New York!
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Le Musée américain d’histoire naturelle |
Aujourd’hui, je n’ai que deux
priorités : le Musée américain d’histoire
naturelle et le Musée métropolitain d’art.
Dans le cas du muséum, je rêve de le visiter depuis ma jeunesse. La station de
métro qui le dessert est d’ailleurs archimignonne avec ses mosaïques d’animaux
et de dinosaures sur les murs. Je m’intéresse aussi à voir comment se compare
ce muséum par rapport au Field Museum à Chicago. À mon arrivée, je suis immédiatement
impressionné par ses dimensions. Quoique je lui préfère toujours le Field
Museum par son architecture, la quantité de spécimens trouvée ici rend toute
comparaison risible : le Musée américain d’histoire naturelle est tout
simplement gargantuesque.
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Un hadrosaure « momifié » |
Je commence en visitant la galerie des
dinosaures. C’est un moment nostalgique puisque je découvre, à mon grand
étonnement, que je peux carrément reconnaître des squelettes individuels
illustrés dans mes livres d’enfance. Je suis particulièrement excité de croiser
cette fameuse « momie » d’hadrosaure : elle fut tellement bien préservée qu’on y
voit toujours des impressions de sa peau! J’ai la joie aussi de voir des spécimens
collectionnés par divers paléontologues aux noms que je reconnais toujours de
mes lectures de jeunesse, comme Edward Drinker Cope
et Roy Chapman
Andrews.
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Deinonychus |
À mon grand plaisir, je croise un
deinonychus original qui,
de plus, est le seul spécimen d’exposition au monde qui ne soit pas un moulage.
Pendant longtemps, ce dinosaure fut mon préféré. J’ai encore souvenir de la
frustration que je ressentais du haut de mes neuf ans lorsque le Parc
Jurassique semblait se méprendre entre lui et le vélociraptor — ce dernier étant
de la taille d’une vulgaire dinde, après tout!
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Le « King » parmi les T-Rex : le spécimen AMNH 5027 |
Au fait, si je voulais, je pourrais
consacrer un billet de blogue entier sur tous les spécimens pour lesquels je
connais l’histoire. S’il y a un dinosaure que je ne peux pas mettre de côté ici,
toutefois, c’est bien le spécimen AMNH 5027. Sans le
savoir, vous êtes déjà familiers avec ce dernier! Non seulement est-ce l’espèce
de dinosaure le plus célèbre de la planète, mais également le plus célèbre
tyrannosaure parmi tous les T-Rex trouvés à ce jour! D’une part, son ancienne
silhouette à la queue qui traîne est immédiatement reconnaissable de tous nos
premiers livres sur les dinosaures (quoique sa posture fut rectifiée dans les
années 1990 en surélevant le membre). De l’autre, sa tronche est l’inspiration même
du logo… du Parc Jurassique! En effet, AMNH 5027 est le premier squelette de
T-Rex découvert avec un crâne complet. Ironiquement, quoiqu’il n’est pas l’holotype
de l’espèce, ce squelette demeure néanmoins le
T-Rex qui vient à l’esprit de l’imagination populaire lorsqu’on évoque l’animal.
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Vélocirapor, découvert en Mongolie en 1923.
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Au même moment où j’admire le crâne
original du premier vélociraptor
jamais découvert (en 1923, au fait), j’entends un groupe d’étudiants près de
moi. Ce sont de jeunes Québécois qui se demandent comment différencier entre
les fossiles originaux et les moulures. Je ne peux m’empêcher de les aborder
pour leur montrer où cette information est indiquée sur les panneaux
explicatifs.
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Le visiteur du Musée américain d’histoire naturelle peut également admirer des œuvres originales de Charles R. Knight. |
Ma bonne action pédagogique accomplie, je
me tourne vers les toiles originales de l’artiste Charles R. Knight, un
des premiers à nous illustrer des dinosaures en chair et en os. Encore une
fois, j’ai l’impression de retrouver un vieil ami : ses œuvres étaient
souvent reproduites dans mes livres sur la faune préhistorique. Elles demeurent
magnifiques même si nos connaissances sur ce à quoi ressemblaient ces animaux
ont « évolué » depuis (‘scusé encore pour le jeu de mot!).
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Malgré mes yeux bouffis qui trahissent mon épuisement après 10 heures de suite passées entre deux musées, celui-ci est supplanté par ma joie de croiser un de mes Bruegel préférés. |
En tout, je passe six heures au Musée
américain d’histoire naturelle. Décidément, j’aurais dû passer au minimum le
même nombre d’heures en visitant le Metropolitan Museum of Art (ou MET, tout
simplement). Les piètres quatre heures que j’y passe ne me permettent même pas
de voir le quart des collections. Sachant que je n’aurai jamais le temps de
tout voir, je vise immédiatement l’art colonial et l’art européen (et même là,
de manière pressée). Encore une fois, je pourrais écrire pendant des heures sur
toutes les toiles admirées et les personnages historiques rencontrés : au
moins trois Louis (XIV, XV, XVI), une des armures d’Henri VIII d’Angleterre, un
temple égyptien, et cetera ad nauseam.
Je ne peux m’empêcher de me souvenir de ce qu’on m’avait dit un jour à la
demi-blague : « Si tu veux voir de l’art européen, ne va pas en
Europe. Va aux États-Unis. » Le MET en est certainement la preuve!
Je retiens ces quelques tableaux pour ne
pas m’éterniser :
« Fur Traders Descending the Missouri »
de George Caleb Bingham, 1845. C’est le seul tableau que j’ai croisé
représentant un Canadien français. Par son obsession féline, l’internet a « meméifié »
ce portrait grâce au « chat » assis à la proue de la pirogue. En
réalité, le petit félin noir est… un ourson! L’identité du petit animal ne devient
évidente que lorsqu’on admire le tableau en personne plutôt que les habituelles
copies numérisées en basse définition.
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Le célèbre « Washington Crossing the Delaware » d’Emanuel Leutze (1851) est plus large qu’on ne le croirait! |
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« The Gulf Stream » de Winslow Homer (1899) |
Alors que la plupart des gens qui visitent
le MET vont cibler des œuvres d’artistes célèbres comme Van Gogh, je cherchais
souvent des toiles plus obscures. Par exemple, dès que j’ai su que la toile
« The Gulf Stream » de Winslow Homer (1899) se trouvait dans le
musée, je devais absolument la voir. Ce sombre tableau me hante depuis la
première fois que je l’ai vu reproduit dans mon livre de requin préféré, alors que
je n’avais même pas encore 10 ans. Son sujet, un Noir à la dérive sur un bateau
entouré de requins, ne ratait jamais d’attirer mon regard. J’étais fasciné :
qui était cet homme? Allait-il périr sous les assauts de la nature (incarnés
par les vagues, les requins, et une tornade à l’horizon), ou se retrouverait-il
rescapé à l’aide du navire au loin? Vivant, évocateur, ce tableau méritait que
je lui voue un détour parmi les galeries du MET pour le voir enfin en personne.
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« La charrette du boulanger » de Jean Michelin (1656) |
Finalement, alors qu’il me reste peu de
temps pour m’extasier devant les Vélasquez, les Rembrandt, les Bruegel, les
Hogarth et combien d’autres que je croise, je reste néanmoins cloué un long
moment devant La charrette du boulanger
de Jean Michelin (1656). Alors que la majorité des toiles que je viens de voir
avaient comme sujets des membres des diverses aristocraties européennes, me voilà
en train de méditer sur l’autre extrémité de l’échelle sociale. Je prends mon
temps à m’imprégner de mes impressions de cette représentation crue du bas de
l’échelle sociale de la France d’Ancien Régime. Je ne cesse de me répéter mentalement
que je dois présenter cette œuvre à mes étudiants dans mon cours sur l’histoire
de la Nouvelle-France; je veux l’utiliser comme brise-glace pour discuter
l’identité des gens qui choisissent d’immigrer en Nouvelle-France pour
améliorer leurs vies. Je veux également leur rappeler qu’il y a toute une
différence entre voir la reproduction photographique d’un tableau et voir
l’original en personne. Les photographies ne réussissent tout simplement pas à
capturer les nuances des coups de pinceau des peintres. Lorsqu'on est
physiquement devant un tel tableau, l’intention de l’artiste ressort davantage.
Les émotions sont plus vives. On ne fait pas que voir la toile, on la vit.
À preuve, après un temps, mon œil fureteur
s’arrête sur le chapelet de la dame du tableau; j’y reconnais soudainement un
parallèle avec ma mère très pieuse qui récitait son chapelet tous les soirs et
son rosaire une fois par mois. Je me mets à méditer sur la continuité
culturelle et religieuse des Français catholiques en Amérique et la récente rupture
de la plupart de nos traditions au Canada français. Avant de pouvoir me perdre
davantage dans les méandres des pensées que m’inspire ce tableau, je vois qu’il
est l’heure d’aller rejoindre mon autobus pour retourner à l’hôtel.
Jour 3
Aujourd’hui, nous nous embarquons sur la Majestic Princess pour aller voir la statue de la Liberté. Le moment est un
peu surréel : j’ai de la difficulté à croire que je me trouve enfin devant
ce monument célèbre. Après tout, rares sont de telles icônes aussi omniprésentes
dans les médias. Devant ce fait, je cherche à l’admirer du mieux que je peux au
premier degré, dégagée du filtre de l’œil des artistes, du cinéma et des
auteurs qui lui auront imposé mille interprétations symboliques depuis sa
conception originale dans l’esprit d’Édouard
Lefebvre de Laboulaye. En somme, je veux admirer la statue pour
elle-même : je porte attention aux jointures des plaques de cuivre et aux différents
tons verts de gris. Je me surprends à constater que son visage est beaucoup
plus sévère que dans mon souvenir. Alors que j’admire sa taille, je réalise que
malgré le fait d’avoir été entouré d’images de la statue de la Liberté toute ma
vie, c’est vraiment la première fois que je lui accorde une réelle attention
totale. Tout comme découvrir les nuances d’une toile qu’on voit en personne
pour la première fois, je découvre également pour la première fois cette œuvre
dans tout son génie artistique.
Malgré mon exercice d’appréciation, je ne
peux quand même pas faire une abstraction totale de ce que représente la statue
pour une large partie de la population américaine. D’ailleurs, s’il est vrai
que New York célèbre aujourd’hui sa population multiculturelle issue de
milliers d’immigrants ayant passé par Ellis Island, cette mixité remonte en quelque
sorte aux origines de la Nouvelle-Amsterdam. Comme l’écrit Van Ruymbeke :
« D’après le père jésuite Isaac Jogues
(prisonnier des Iroquois et libéré par les Hollandais en 1642), cette dernière
compte « aux environs de quatre à cinq cents hommes de différentes sectes
et nations » vingt ans plus tard. Jogues rapporte aussi que le gouverneur
lui aurait affirmé que l’on parle « dix-huit sortes de langues » à la
Nouvelle-Amsterdam. Ainsi, avec cette présence d’Européens, d’Africains et d’Amérindiens
de langues différentes, le pluralisme ethnique, religieux et linguistique est
une caractéristique distinctive de New York depuis ses origines.[4] »
Il ne faut pas oublier non plus un côté
plus sombre de la jeune colonie : en 1664, les esclaves noirs représentent
le quart de la population de la Nouvelle-Amsterdam[5]…
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Verrazzano-Narrows Bridge |
Si tout
le monde à bord du Majestic Princess
semble satisfait de cette courte visite pour admirer la statue de la Liberté,
j’ai une raison de plus d’apprécier cette petite croisière : à ma demande,
notre guide Émilie pointe du doigt le Verrazzano-Narrows Bridge (ou pont du
détroit de Verrazano) au loin. Pour une raison inexplicable, Verrazzano est un
nom à peu près absent du paysage commémoratif du Canada français. Pourtant, Giovanni
da Verrazzano mérite une célébrité aussi grande que celle de Jacques
Cartier. Non seulement est-il le premier navigateur français à explorer la côte
de l’Amérique du Nord à la solde du roi François Ier (sans oublier
que Cartier fit très probablement partie de son équipage), mais c’est au cours
de son expédition de 1524 qu’il baptise la
Nouvelle-France. Ainsi, 2024 marque également le 500e
anniversaire de l’aventure française en Amérique, une date charnière qui
malheureusement semble passer presque complètement sous silence dans nos
médias. Pour cette raison seule, je suis très heureux de constater que les New-Yorkais,
au moins, ont choisi de commémorer l’homme en baptisant un pont en son honneur
et, qui plus est au moment de son ouverture en 1964, le plus long pont suspendu
au monde.
Nous nous dirigeons maintenant vers notre
prochain arrêt. L’autobus nous dépose devant le monument du 11 septembre. Voici
ce que j’écris dans mon journal intime :
« Le 2 juin 2024
Comment ne pas m’arrêter pour écrire
quelques lignes sur le vif des émotions qui m’habitent. D’abord, jamais de la
vie n’aurais-je cru me retrouver sur le site de l’événement qui a le plus
marqué ma vie. Au risque de paraître égoïste alors que je suis entouré de gens
ayant vécu le 11 septembre 2001 en personne, je ne veux pas minimiser non plus
l’impact de ce jour sur ma vie.
Du haut de mes 17 ans, mon monde adolescent
sans souci fut brisé dans l’espace des quelques minutes où un enseignant
interrompit notre cours d’anglais pour nous montrer les images en direct de New
York. Après l’écrasement du deuxième avion, il était clair qu’il s’agissait
d’un attentat terroriste. Une fois de retour à la maison, je m’étais enfermé
dans la chambre de mon père, cloué à la télévision. J’étais peut-être jeune et
naïf, mais je venais de comprendre que le monde venait de changer pour le pire.
Assis ici aujourd’hui, à côté du monument,
j’écoute l’écoulement de l’eau. Je redécouvre une tristesse et une angoisse que
je n’ai pas goûtées en vingt-trois ans. J’ai un frisson froid qui descend le
long de mon dos. Habité par des milliers d’images télévisées de ce jour
marquant, je suis confronté par la réalité de l’événement. Je ne suis plus
séparé du lieu par un écran de télé : j’y suis et il m’habite.
J’ai vécu le monde que le 11 septembre
créa. Un pèlerinage sur les lieux du drame s’imposait donc, tant qu’à être à
New York. Je n’aime pas penser à cet événement, mais aujourd’hui, je me le
permets, tout en faisant attention de ne pas devenir trop ému.
Le monde n’est plus ce qu’il était.
[Plus tard, dans l’autobus.] Cela faisait
étrange d’expliquer à un co-voyageur âgé de 11 ans ce qu’était le 11 septembre.
Il me semble impossible d’accepter qu’il y a des gens nés après cette date,
pour qui l’expérience de l’événement est absente de leur mémoire. Je peux
encore moins accepter que notre société commence déjà à oublier cet événement
charnier. »
Une fois terminé d’écrire mes pensées, je
me dirige vers Broad Street. De nos jours, il ne reste à peu près plus rien du
Régime britannique de New York, et encore moins de son Régime néerlandais. Une
exception notable est la chapelle
Saint-Paul de Manhattan, érigée en 1766. Le touriste de Québec profitera en
particulier de la visiter : la sépulture de Richard
Montgomery se trouve sous son impressionnant monument encastré contre la
façade de la chapelle. Menant l’attaque contre Québec en tandem avec Benedict
Arnold en 1775, Montgomery succomba aux balles canadiennes le long de la
falaise de la ville. Alors que la part de ses hommes tuée pendant l’événement
se trouve toujours enterrée à côté de la porte Saint-Louis de Québec, la
famille de l’officier défraya les coûts nécessaires pour faire rapatrier ses restes
en 1818.
Croisant le célèbre Taureau de
Wallstreet (et l’interminable file de touristes venus se faire
photographier à ses côtés), je me dirige vers Fraunces Tavern, un autre rescapé de
l’époque révolutionnaire du pays. En réalité, l’édifice a subi tellement d’incendies
et de rénovations au fil des années que personne ne sait véritablement ce à
quoi ressemblait la taverne originale au moment de sa construction en 1719. Ce
léger détail ne l’empêche pas d’attirer des férus d’histoires, toutefois :
on y retrouve un restaurant au rez-de-chaussée, tandis que ses étages
supérieurs forment un musée dédié à son histoire intimement liée à la
Révolution américaine.
|
Malgré ma déception avec le musée des Autochtones du Smithsonian, on y trouve quand même quelques trésors, comme ces vêtements provenant du fort Michilimackinac au XVIIIe siècle. |
Alors que ces deux arrêts me permettent de
découvrir un petit pan d’histoire coloniale de la ville, je découvrirai à mon
retour du voyage d’autres endroits que j’aurai ratés (dont la sépulture de
Hamilton). Une place que je ne voulais certainement pas manquer est l’endroit
où se trouvait le fort original de la Nouvelle-Amsterdam. Ironiquement, le site
est aujourd’hui occupé par un des deux National Museum of the American Indian
de la Smithsonian. Sans nécessairement déconseiller cette institution, je suis
resté sur ma faim après ma visite. Alors que je m’attendais à des expositions
exceptionnelles, l’expérience fut un pétard mouillé. J’en suis sorti avec
l’impression d’avoir visité un gros cabinet de curiosité plutôt qu’un véritable
musée d’histoire. Au lieu d’enseigner au public une solide histoire des nations
autochtones, l’enseignement faisait place à un message creux, misérabiliste au
goût du jour, et moralisateur sans pour autant avoir de substance derrière ses
paroles, le tout couronné d’une boutique médiocre aux pacotilles tendance. En
somme, pour toute sa réputation, je préfère à ce Smithsonian un minuscule musée
comme la Museum of Ojibwa Culture
au Michigan. Heureusement, la visite était gratuite et j’ai pu profiter du wifi pour planifier les dernières heures de ma journée. J’ajouterai qu’à
elle seule, le bâtiment mérite d’être visité : par son ancienne identité comme
la Alexander Hamilton U.S. Custom House, le musée contient un « whispering
gallery » impressionnant. Cette salle permet à deux personnes de s’entendre
chuchoter d’une extrémité à l’autre de la galerie. L’effet est tellement
impressionnant, je croyais qu’on me parlait dans le creux de l’oreille!
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La maison de jeunesse du président Theodore Roosevelt. |
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Tiens, tiens, la Nouvelle-Amsterdam qui apparaît dans des endroits insoupçonnés, comme cette caricature de Roosevelt habillé en colon. |
Déçu de découvrir que la plupart des
derniers endroits que je voulais visiter sont fermés le dimanche, j’apprends que
la maison d’enfance du président Teddy Roosevelt est ouverte au public. Après
un court trajet en métro, je me trouve dans une charmante petite exposition,
gratuite en sus! Parmi les objets liés à la vie du 26e président des
États-Unis, on y retrouve sa chemise et son discours transpercés par la balle qui
le toucha lors d’un assassinat raté. (À ce sujet, Roosevelt était un tel « badass »
qu’il choisit de finir un discours de trois heures plutôt que de se rendre à l’hôpital
immédiatement!) L’exposition rappelle également que les oursons en peluche
doivent leur origine à Roosevelt, lui qui avait refusé de tuer un ourson sans
défense lors d’une expédition de chasse. Ceci explique d’ailleurs le nom Teddy Bear en anglais. Enfin, je prends plaisir
à découvrir les caricatures amusantes du célèbre président. Alors que cet arrêt
ne se trouvera dans aucun palmarès des meilleures attractions touristiques de
New York, ce petit détour est un pèlerinage obligatoire pour quiconque se passionne
des parcs nationaux — après tout, Roosevelt est le père du National Park Service aux États-Unis!
Je termine ma journée en marchant autour,
visitant les boutiques près de l’Empire State Building (sans pour autant tomber
sur un cratère laissé par la chute de King Kong). La fatigue dans le corps, je décide
enfin de rejoindre notre point de rencontre pour monter à bord de notre autobus
qui nous mènera à l’hôtel. Mais avant, notre guide Émilie nous réserve une dernière
surprise du côté du New Jersey. Mon épuisement disparait soudainement alors
qu’on se retrouve devant une vue sublime de New York la nuit. Le moment est
solennel : nous devons d’abord passer à travers un monument représentant
les tours jumelles, dédié aux victimes du 11 septembre originaires du New
Jersey. Malgré cette imposante et sombre commémoration qui domine derrière nous,
les lumières de la ville scintillent à l’horizon comme autant de clins d’œil, faisant
vibrer la métropole de mille promesses d’avenir comme seule New York peut le
faire.
Jour 4
(Tiré directement de mon journal personnel)
Le 3 juin 2024, Bryant Park, N.Y.C.
L’autobus nous a débarqués à 9h au coin de
la 42e rue et la 8e avenue. Rien qui m’intéresse n’ouvre
avant 10h. Au lieu de courir autour comme une poule sans tête, je choisis de me
reposer un peu dans Bryant Park en attendant l’ouverture de la New York Public
Library juste à côté. C’est mon premier moment paisible qui me permet de vivre
la faune locale à mon aise — j’observe les gens qui vont travailler ou qui
travaillent dans le parc. Je profite de ce moment de tranquillité pour écrire quelques
réflexions sur ma visite dans mon journal intime : New York a réussi à me
convaincre de l’aimer. La ville s’est toujours retrouvée en dernière place dans
ma liste d’endroits à visiter dans ma vie. L’image clichée que je m’en étais
faite à travers le filtre de la pop culture et du cinéma ne m’avait vraiment
pas attirée. Voilà que je me surprends à déjà planifier ma prochaine
visite : les endroits ratés, ceux que je ne connaissais pas, et les
« clichés » qui m’interpellent maintenant que je me sens moins snob. Je
compte revenir certainement dans un proche avenir. En somme, ma visite de New
York m’a révélé un côté plus humain qui se cachait derrière la façade de la
« Grande pomme », où tout ne serait que business, cynisme, et
élitisme. Au lieu, pour toute sa démesure, le vrai New York se trouve caché
dans les petits moments et les petites rencontres.
À preuve, alors que je
quitte le parc, je croise deux Français assis à discuter précisément sur ce
fait même. Je ne peux m’empêcher de leur parler de cette belle coïncidence qui
nous fait rire tous les trois.
C’est la file à la New York Public Library.
Avant de me ranger à mon tour, j’admire les deux célèbres lions de pierre, Patience et Fortitude.
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Une paruline des mangroves. Du moins, je pense... |
Soudainement, je suis distrait par une
forte présence de gens armés de caméras de calibre impressionnant, les mentons
dans les airs. J’aborde le type le plus près de moi qui m’explique qu’ils cherchent
à photographier un Yellow Warbler (Paruline
des mangroves), un oiseau rarement vu en ville. Tant qu’à faire, je m’essaye à
mon tour, mais j’ai de la difficulté à viser juste car l’écran de ma vieille
Canon PowerShot disparaît sous la luminosité du soleil. On ne retrouvera pas ma
photo dans un guide Audubon, c’est certain!
Les portes de la bibliothèque s’ouvrent enfin
et c’est presque la ruée des touristes. En effet, pour chaque usager de la
bibliothèque, il doit y avoir une dizaine de visiteurs éphémères. Les gardes et
les guides nous expliquent les endroits barrés aux touristes, incluant la
principale salle de lecture. Pour ma part, je ne peux m’empêcher de me sentir légèrement
hautain alors que je me présente comme chercheur afin d’y avoir accès. Malheureusement,
après vingt minutes sur leur base de données, je ne trouve rien qui puisse s’ajouter
à mes recherches du moment. Par dernière vanité, je confirme tant qu’à faire qu’ils
ont mon premier livre dans leur réseau de bibliothèque (quel égo j’ai!).
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Frankenstein (1818) |
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Bible de Gutenberg (1455) |
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Winnie l'ourson et ses compagnons |
La visite de cette bibliothèque couronne
vraiment mon passage à New York. Mon œil scintille de plaisir devant l’architecture
à couper le souffle. Comme cinéphile, je prends un malin plaisir de reconnaître
les lieux de tournage de la scène d’ouverture de Ghostbusters (1984). Néanmoins, ce que j’aime par-dessus tout est la
superbe exposition permanente
sur les trésors de la bibliothèque. Mon cœur de littéraire est comblé devant tant
de richesses culturelles et historiques. Mes yeux s’écarquillent devant une
vitrine entièrement dédiée à Mary Shelley, qui inclue entre autres une édition originale
de Frankenstein. Je fige devant une
bible de Gutenberg originale : son état de conservation est tellement
impressionnant que j’aurais cru si on m’avait dit qu’elle avait été publiée
hier. De toutes les vitrines, toutefois, celle qui me réchauffe le cœur davantage
est celle dédiée aux peluches originales ayant inspirées à Alan Alexander Milne la création de Winnie
l’ourson.
La fin du matin sonne la fin de mon voyage :
une courte marche me rapporte au point de ralliement pour monter à bord de l’autobus.
Sur cette fin de voyage, je songe également à la fin de la Nouvelle-Amsterdam. En
1664 — un an après que le Canada soit devenue une colonie royale —, la
Nouvelle-Hollande fut conquise par… quatre vaisseaux britanniques. Non
seulement la population locale ne faisait pas le poids contre l’ennemi(à elle
seule, la population de la Nouvelle-Amsterdam se chiffrait autour de 1300
colons), l’attaque fut une surprise totale puisque l’Angleterre et les Pays-Bas
vivaient une période de paix relative depuis les dix dernières années[6].
La Nouvelle-Amsterdam sera immédiatement rebaptisée : ainsi naît New York. (Notons néanmoins pour la
forme qu’en 1673, les Pays-Bas auront une courte revanche alors qu’ils
captureront New York à leur tour avant de la rendre l’année suivante.) Ainsi, même
si techniquement New York célèbre son
anniversaire cette année, son « vrai » 400e sera plutôt en
2064!
Un fait cocasse se cache derrière cette
conquête, toutefois. Tout comme les habitants de la Nouvelle-France au
lendemain de notre Conquête, la population préexistante de la nouvelle
« New York » ne disparait pas avec ce changement de régime. Les
Hollandais vont s’adapter et continuer d’y vivre et d’influencer le courant de
l’histoire américaine. À titre d’exemple littéraire, il suffit de penser aux
noms des personnages dans le roman Sleepy
Hollow de Washington Irving, une histoire qui se passe quelques années à
peine après la Révolution américaine. Et pour autant qu’il ne reste à peu près
aucune trace physique de la Nouvelle-Amsterdam et de la Nouvelle-Hollande (sauf
de très rares exceptions), la toponymie locale demeure le meilleur témoin de ce
passé colonial néerlandais de la ville et l’État de New York. Aujourd’hui
encore, nous reconnaissons les noms Harlem, Brooklyn, Bronx, Sandy Hook, etc.,
sans compter les traductions anglaises de noms hollandais.
Encore une fois, les spécialistes de l’histoire
coloniale française gagnent à se familiariser davantage avec l’histoire des
colonies voisines de la Nouvelle-France. Les comparaisons permettent de mieux
comprendre notre histoire, et aussi à mieux connaître les enjeux lors des
moments de friction entre les empires coloniaux. Pour ma part, une nouvelle
visite de New York dans un proche avenir s’impose puisqu’en quatre jours, je n’ai
fait que gratter la surface de cette histoire fascinante.
Lectures suggérées
- Jacobs, Jaap. The Colony of New Netherland: A Dutch
Settlement in Seventeenth-Century America. Cornell Paperbacks. Ithaca, N.Y:
Cornell University Press, 2009.
- Van Ruymbeke, Bertrand. L’Amérique avant les États-Unis : Une histoire
de l’Amérique anglaise, 1497-1776. Paris: Flammarion, 2016, 788 p.
Notes
[1] Van
Ruymbeke, L’Amérique avant les États-Unis, p. 693, note 1.
[2] Van
Ruymbeke, L’Amérique avant les États-Unis, p. 146-147.
[3] Jaap. The Colony of New Netherland, p. 31.
[4] Van
Ruymbeke, L’Amérique avant les États-Unis, p. 147.
[5] Van
Ruymbeke, L’Amérique avant les États-Unis, p. 150.
[6] Van
Ruymbeke, L’Amérique avant les États-Unis, p. 156-157.