Une des principales sources d'informations servant au renseignement militaire pendant la guerre de Sept Ans s'agit des prisonniers qui s'échappent du camp de l'adversaire. Voici une déposition d'un Canadien racontant son histoire alors qu'il s'était fait capturé et rapporté en Caroline du Sud.
Source: ANOM,
Colonies, C11A 125, F°538-540v. Déposition et rapport fait
par un Canadien (François Mercier). À La Nouvelle-Orléans, le 1er
décembre 1755.
Deposition Et raport fait par un Canadien de nation party de
La Caroline Le 20. Aoust dernier Et arrivé a La Nouvelle Orléans le premier X.bre
1755
Ledit Canadien depose Et raporte qu’etant aux Illinois Et
Voulant passer En Canada, il s’embarqua le 6 Avril 1754 sur la voiture du nommé
Boisserau armée de neufs Engagés, Et Commandée par M. Rousselet lieutenant dans
les troupes de la Garnison des Illinois, lequel alloit au fort S.t
Ange. Que le 7. dudit mois, second jour de leur marche, Etant arrivés au grand
Detour, ils apperçûrent sur le Bord du misissipy, un Canot renversé qu’ils
accostèrent pour le deffaire. Qu’arrivés a l’endroit ou il Etoit ledit Canadien
fut mis a terre, avec un des Engagés pour monter sur L’[eau/ceov/****] Et faire
bonne Garde, tandis qu’on Briseroit ledit Canot. Lui ayant apperçû sur ledit [Ecor/*cor/****]
quelque piste d’ennemis, il En fit aussy tôt le Raport a M. Rousselet, Qu’alors
cet officier bien loin de profiter de l’avis qu’il luy donnoit de pousser au
Large, le Badina sur sa frayeur, Et s’avanca avec quattre des Engagés pour
reconnoitre les dites Pistes; Et que le dit Canadien Voulant luy prouver qu’il
ne manquoit pas de Courage, le Suivit avec deux autres Que M. Rousselet plein
de Bravoure Et qui marchoit a leur tête pour reconnoistre par luy même les
dites Pistes n’eut pas fait trois cent, qu’il tomba dans une embuscade, [d’où]
les Ennemis firent feu sur luy, Et sur Eux. Que cet Officier, ayant reçû un
Coup de fusil a la cuisse tomba sur la place, ainsi que deux des dits Engagés,
qui furent aussy blessés; que le dit Canadien Et deux autres des dits Engagés
furent Envelopés Et pris, par les Sauvages, qui après les avoir Garrottés furent
voir si le Chef françois (qui Etoit M. Rousselet) Etoit mort comme ils le Croyoient;
Que l’ayant trouvé vivant, ils l’avoient tué à coup de Cassetête, après luy
avoir Enlevé la Chevelure; Que quand aux deux autres Blessés, ils leur avoient
fait grace.
Ledit Canadien raporte de plus, que les deux autres Engagés
qui les avoient suivis dans Cette decouverte avoit Eu le temps de fuir, Et de
regagner la voiture du S. Boissereau qui Avoit sans doutte poussé au Large.
Ce party de Sauvages n’etoit composé que de Cherakis qui après
ce coup Conduisirent dans leur nation le dit Canadien avec ses deux autres
Camarades, ou ils ont resté Et travaillé En qualité Et Comme des Esclaves,
pendant Environ trois mois; au bout duquel temps les Cherakis les vendirent aux
Anglois qui les Amenerent a la Caroline; ou le Gouverneur nommé M. Jacques
Glaine [James Glen] les a fait Garder dans la ville Comme prisonniers. Ledit
Canadien ayant trouvé le moyen de sortir de la ville en 1755. En partit le mois
D’Aoust de laditte Année pour se rendre a travers les Bois, au Poste françois
des Alibamons ou il parvint Sans accidents au Commencement d’otobre [sic].
Ledit Canadien Raporte, qu’avant son depart de la Caroline,
on y Avoit apris que le General Bradok Etoit arrivé le 15. mars 1755. de
Londres a la Virginie avec 4000. hommes de troupes de transport; Et que le 10.
avril suivant il y Etoit Encore arrivé un renfort de 3000. [hommes]. ce qui
faisoit 7000. hommes de troupes reglées. il ajoutte que le même General ne fut
pas plûtôt arrivé a la Virginie, qu’il rassembla Encore 7000. hommes, soit En
nouvelles recrües du païs, Soit En sauvages; Et qu’alors se trouvant a la tête
de 14000. hommes, il se mit En marche le 15. may pour se rendre à Ouescrik, qui
est le fort le plus avancé que les Anglois ayent du Cotte de la Belle Riviere ou
l’oyo; Que ledit General rendu a Ouescrik il y Etoit arrivé deux françois, qui
sous le pretexte de desertion En avoient Eté bien reçûs, Et bien traités; mais
que le lendemain ces mêmes françois, aprés avoir pris connoissance de toutes
les forces Angloises, avoient disparû : sur quoy le General Bradok, soubçonnant
que ce ne fussent deux Espions, Envoya des ordres a tous les différents petits
partis qu’il avoit Envoyé En avant et a la decouverte des françois, pour les
faire arretter. Ces deux Espions pretendûs furent En Effet arrettés le
Lendemain de leur depart de Ouescrik; mais L’un des deux trouva le moyen de s’echaper.
mais quand a l’autre, on luy fit le procés tout de suitte; Et suivant les
nouvelles, il a dû etre Executté le même jour, ou le jour D’aprés.
Ledit Canadien raporte Encore que Traverçant En fuyant, le
haut de la Georgie il avoit apris dans le Village Sabanaston par un françois
qui y est Etably, que le General Bradok qui avoit partagé son armée En deux
corps, En partant D’ouescrik, et qui avoit marché a la tête du premier, composé
de 2500. hommes de troupes reglées, Et de 500. sauvages avoit Eté attaqué dans
sa Routte par les Canadiens, et sauvages, qui l’avoient Entierement Battu, Et
déffait; que Toute son avant-garde avoit Eté taillée En pièces; que luy même
avoit pery, ou avoit Eté pris dans l’action, Et que les françois S’étoient
Emparés, et avoient pillé tout leur Bagage, et toute leur Artillerie. Il
raporte de plus; que Cette nouvelle avoit mis La Consternation dans toute la
Virginie.
Ledit Canadien raporte Encore qu’il a apris En passant a
Sabanaston qu’il Etoit arrivé un nouveau Gouverneur a la Georgie Et qu’a son
Arrivée, il avoit Envoyé des Emissaires dans toutes les nations sauvages même
jusques aux Talapouches, Kaouita, Abekas, Et Alibamons, pour les Engager a
prendre les armes Contre les françois; Et que pour reüssir plus Efficassement a
les mettre dans le party des Anglois, il leur avoient Envoyé Et promis des
presents Considerables; Enfin ledit Canadien raporte que Ce Gouverneur Ainsi
que les Anglois mettent tout en usage pour seduire les hommes Rouges et les
faire declarer contre les françois.
Il ajoutte Enfin, que ce nouveau Gouverneur Etoit en Marché
a la tête de 200. hommes pour aller tenir une assemblée Chez les Cherakis nation
Belliqueuse, Et en Etat de fournir plus de 4000. Guerriers, pour les Engager a
prendre Les armes Contre les françois, Et obtenir D’Eux l’agrement, et le
secours necessaires pour Battir un fort sur la Riviere des dits Cherakis; par
laquelle ils ont Communication avec le Misissipy. Que ce Gouverneur leur a fait
a Cette occasion de grands presents; par lesquels il n’a neanmoins obtenû
Encore que la permission d’en Battir un petit a porté de la ditte Riviere Et
pour 30. hommes. Ledit Canadien raporte Encore qu’il arrive tous les jours de
grandes discutions parmi les habitans de La Virginie, Et de la Caroline que l’on
fait marcher en guerre par force, Ainsi qu’a l’occasion des differentes Religions,
qu’il y Exerçent.
Ledit Canadien declare Et professe que la presente
declaration renferme toute vérité.
A La Nouvelle Orléans le 1.er X.bre‑1755
Ainsy signé. françois merçier
Les canadiens français et leurs alliés autochtones vont par la suite mettre une "sacrée pâtée"(*) au général Braddock. Ca commençait bien ... dommage que cela se soit gâté plus tard
ReplyDelete(*) A l'origine cette expression s'écrivait mettre la Patay en référence à la bataille de Patay (ville près d'Orléans) où Jeanne d'Arc battit les Anglais et mit fin à la guerre de 100 ans. Au fil du temps, le nom propre Patay s'est transformé en pâtée