Question de
terminer l'été sur une bonne note et de nous gâter un peu avant le début du
nouveau semestre, moi-même et deux amis avons pris la route pour les
États-Unis. Notre destination: le fort Carillon, ou Ticonderoga, pour y voir
une exposition sur l'artillerie du XVIIIe siècle. Nous avions une
excellente raison d'y aller à part l'intérêt intrinsèque du sujet: l'an
dernier, en préparant l'exposition, le fort Ticonderoga avait embauché ma
copine, Cathrine, pour y mener de la recherche sur les affûts d'artillerie.
Il était
donc bien temps de voir le fruit de ses efforts avant la fin de l'exposition en
octobre!
C’était le gros
départ le lundi 29 août à bord de notre voiture louée. Au déplaisir de Michel, le
troisième mousquetaire de cette aventure, je n'ai pas pu faire jouer la trame
du film Le dernier des Mohicans puisque l'automobile n'était compatible
qu'avec le iPhone et non mon Android…
Quel paysage magnifique! |
Qu'importe: à défaut d'une piste sonore envoûtante, on se laissait autant emporter par la beauté du paysage. Bien qu'il s’agisse de ma quatrième visite dans le nord de l'état de New York, je suis toujours impressionné par les Appalaches et ses énormes conifères.
Premier arrêt: le cimetière de Ticonderoga où on admirait les pierres tombales de colons américains. Tâche difficile puisque plusieurs des pierres, et non que les plus anciennes, étaient érodées par le temps et les éléments. Il est intéressant à noter que plusieurs des premiers colons américains arrivés dans cette région étaient des vétérans de la guerre de Sept Ans, installés ici sans savoir que les terres appartenaient d'abord aux seigneurs canadiens. (À ce sujet, voir mon article « Entre revendication et résignation : Les seigneuries du lac Champlain et la frontière new-yorkaise, 1763-1783 » dans Benoît Grenier et Michel Morissette, dir. Nouveaux regards en histoire seigneuriale au Québec. Québec, Septentrion, 2016. pp. 61-91.)
Charles Keck, 1924: "To commemorate the
successive struggles in and about Ticonderoga by the Indian - French - Englishand American nations" |
Pour les
deux prochains soirs, nous logions au Circle Court Motel. Il s'agissait d'un
des endroits les moins chers où rester à Ticonderoga. La plupart des autres
hôtels chargeaient des prix au-dessus de 200$ par nuit. (À noter que ces prix
baissent souvent de moitié l'automne arrivé). Au milieu du rond-point en face
du motel se dresse une superbe statue dédiée « À commémorer les luttes
successives à et autour de Ticonderoga par les nations indienne, française,
anglaise et américaine. »
Le
lendemain, ce fut le plaisir de retrouver ce cher fort Carillon, où Montcalm y
gagna sa plus brillante victoire en Amérique. Cette année, toutefois,
l'organisation du fort soulignait l'an 1777 et la Révolution américaine. Il est
à noter que le fort alterne chaque année entre une année de la guerre de Sept
Ans et une année de la guerre d'Indépendance américaine, question de bien
représenter les deux périodes et en offrant une nouvelle expérience aux
visiteurs qui reviennent.
L'exposition
sur l'artillerie ne nous a certainement pas laissé sur notre faim! Intitulée
« The Last Argument of Kings: The Art and Science of 18th-century
Artillery », le montage exhibait les plus belles pièces d'artillerie des
collections du fort. D'ailleurs, il fut intéressant de découvrir qu'en ce
moment, le fort contient plus de canons qu'à n'importe époque précédente grâce
aux nombreuses acquisitions au fil des années.
Plusieurs
des pièces avaient toute une histoire qui leur était rattachée, en particulier un
mortier fendu (voir la légende dans l'image). Outre les divers modèles de canon
présentés, on y retrouvait des reproductions d'iconographie tirées de divers
mémoires d'artillerie, dont de Saint-Remy. Bref, la visite fut très agréable et
instructive.
Et comment
ne pas terminer notre passage à Ticonderoga sans gravir le Mont Défiance juste
en face du fort? (Dis-je en l'ayant raté lors de mes trois dernières visites au
fort…) Et quelle vue spectaculaire! Il faut vraiment se demander toutefois ce
que Michel Chartier de Lotbinière pensait lorsqu'il choisit l'endroit pour
construire le fort Carillon en 1755… Comme l'Histoire le démontrerait, le mont
Défiance (appelé le Pain-de-Sucre par les Français) et sa position élevée en
faisait l'endroit parfait d'où viser son artillerie sur le fort…
Un repos
bien mérité sur une plage du lac George (anciennement le lac Saint-Sacrement)
terminait la soirée. Sur l'autre berge, juché sous un superbe coucher de
soleil, se tenait Rogers' Rock. Selon la légende, le célèbre Robert Rogers, mis
en déroute par un parti composé de Français, de Canadiens et d'Amérindiens, dû
s'échapper en glissant le long de ce promontoire. Fait réel? Une autre
exagération comme il en existe tellement dans la biographie de Rogers? Mystère.
Outre la
baignade, Cathrine et Michel s'amusaient à construire leur propre château de
sable, ou plutôt, leur fort de sable.
Pour notre
dernière journée dans la région, immédiatement au lever nous nous sommes dirigés
vers le village de Fort Edward pour y explorer un peu avant de visiter le
village de Lake George. Nous sommes tombés accidentellement sur un superbe
petit musée dédié à Rogers' Island.
Ce petit gem que nous ne connaissions pas porte à la fois sur l'histoire de
Rogers' Island (le lieu où les Rogers' Rangers étaient entraînés), le fort
Edward et l'histoire de Jane
McCrae. Artefacts, dioramas et maquettes étaient au rendez-vous. En tout,
un beau petit musée qui vaut bien la peine d'y entrer.
Fort Geoge, lac George. |
William Johson et King Hendrick. Photo: Cathrine Davis |
Statue d'Isaac Jogues. Photo: Cathrine Davis |
Avant que la
journée progresse trop, nous sommes allés visiter le parc du fort George, près
du fort William Henry dans le village de Lake George. Malgré mes nombreuses
visites, j'ai eu la surprise de découvrir la superbe statue dédiée au père Isaac Jogues,
celui qui rebaptisa le lac Andiatarocte du nom de Saint-Sacrement (et plus tard
rebaptisé à nouveau par William Johnson sous le nom de Lake George).
La reproduction d'une barque britannique (mais au design français?) au lac Champlain. Photo: Cathrine Davis |
Photo: Cathrine Davis |
Enfin, sur
le chemin du retour, nous avons fait un petit détour pour visiter le Lake Champlain Maritime Museum au Vermont, à 20
ou 30 minutes de route du pont Champlain. Si le musée négligeait le Régime
français au profit de la Révolution américaine, on y trouvait néanmoins la
reproduction d'une barque coulée en 1758. Mon plus grand chagrin fut qu'on manquait
de temps pour vraiment profiter du musée.
Beau voyage, bel article. Espérons que vous verrons plus souvent c'est long récit. Super intéressant. Merci!
ReplyDeleteDécidément ce site est un petit bijou pour tous ceux qui s’intéressent à l'histoire de l'Amérique du Nord au 17ième et 18ième siècle.
ReplyDeletePréparant un voyage à Washington DC et Philadelphie, je lisais le livre de l'historien Britannique Marcus Cunliffe "George Washington l'homme et la légende" afin de développer mon esprit critique avant la visite obligée à Mount Vernon. Bien entendu dans le livre il est question des guerres franco-indiennes pour la maitrise de la vallée de l'Ohio mais aussi du front Nord Est durant la guerre d'indépendance où le point de passage dans un sens et dans l'autre etait Fort Ticonderoga.
Le livre fini, il me restait un doute ! Est-ce que les canons pris par les révolutionnaires américains à Fort Ticonderoga pour bombarder Boston étaient d'origine française ?
Fort Carillon n'a-t-il pas été abandonné (comme Fort Duquesne) alors quid des canons français ?
Et bien en lisant l'histoire du mortier qui a voyagé (voir "mais quelle histoire!" ci-dessus) j'apprends qu'au moins trois mortiers ont servi à bombarder Boston (et leur histoire ne s’arrête pas là) !
Heureux habitants de Montréal qui peuvent descendre le lac Champlain, le lac Georges, faire un petit bout de chemin dans le pays du dernier des Mohicans et descendre le fleuve Hudson jusqu'à NY en mettant leurs pas dans cette histoire