15 December 2021

Dixième anniversaire de Curieuse Nouvelle-France


L’année 2011 est une année mouvementée marquée entre autres par le Printemps arabe, le séisme de la côte Pacifique du Tōhoku et l’éruption du Grímsvötn. Sur la scène politique, on se trouve en plein milieu de la première présidence de Barack Obama et dans la cinquième année du gouvernement de Stephen Harper. Parmi tous ces événements marquants se trouve quelque part dans le quartier Saint-Roch à Québec un jeune historien en herbe qui lance ses trois premiers billets de blogue : un montage vidéo de ses voyages, le partage d’une bande-annonce mettant en vedette George Washington, et un billet sur l’état de la consommation de patates en 1758... Dix ans plus tard, son petit blogue, Curieuse Nouvelle-France, représente maintenant un total de 273 billets et plus de 345 256 visites! Il me semblait donc approprié de célébrer cet anniversaire. Après tout, dix ans passés à rejoindre un public passionné d’histoire, ça se souligne!

La genèse de ce blogue remonte à ma maîtrise : alors que je discutais avec Normand Renaud (la légende franco-ontarienne en personne!), je me plaignais du nombre d’anecdotes croustillantes que je croisais dans les archives, sans jamais leur trouver une utilité dans mes projets courants. Ce cher Normand m’a suggéré de les compiler sur un blogue. C’est ainsi qu’est né Curieuse Nouvelle-France!

Au-delà le simple partage de diverses anecdotes historiques, ce blogue est rapidement devenu l’occasion de m’exprimer artistiquement et politiquement aussi. D’ailleurs, mon billet le plus populaire est A Snarky Explanation of What’s Going on With Doug Ford vs Franco-Ontarians, le seul qui a atteint une portée virale avec plus de 26 000 consultations. Loin derrière en deuxième place se trouve mon compte rendu de la série Barkskins, intitulé Barkskins: Dud on Arrival, qui a attiré quant à lui sept mille visiteurs. Sans être un blogue « bilingue » au sens où rien n’est systématiquement traduit, je suis également heureux de constater que mon lectorat ne m’a pas critiqué d’écrire parfois en anglais. J’avais d’ailleurs eu l’occasion de traiter cette question sur un autre blogue, Boréalia.

Quoique mon débit d’écriture de billets fluctue au fil des années selon mes préoccupations (par exemple, la fin de mon doctorat a causé une légère chute de productivité), ce blogue continue d’être mon exutoire pour de nombreuses réflexions préliminaires. Celles-ci se retrouvent souvent à l’avenir au sein de projets plus formels (à titre d’exemple, voir mon récent billet sur les femmes et l’armée française).

Mon blogue est devenu ma principale présence virtuelle. J’ai presque entièrement abandonné les groupes d’histoire sur les réseaux sociaux. J’ai décidé qu’il était plus constructif de me consacrer à mon travail professionnel et à mon blogue que de perdre mon temps à présenter des arguments tout aussi répétitifs qu’éphémères sur Twitter et Facebook. En effet, le format même de ces derniers empêche toute discussion constructive : à peine atteint-on un consensus moyennement sensé, la somme des échanges est immédiatement remplacée par le prochain sujet de l’heure (ou plutôt de la minute!). La discussion rapidement oubliée et effacée, ce n’est pas long avant que le cycle se répète avec de nouveaux usagers qui n’auront jamais eu le bénéfice de savoir que le débat avait déjà eu lieu sur tel ou tel sujet. Sans oublier, bien sûr, la masse de trolls qui n’en ont rien à faire avec la discussion raisonnée et courtoise. Je conseille donc à tout chercheur en herbe ou professionnel de miser sur un minimalisme numérique à leur tour. Mieux vaut se servir des réseaux sociaux de manière stratégique. J’ai vu trop de mes collègues se laisser traîner dans la boue virtuelle par des gens impulsifs et grossiers. Mieux vaut donc produire du contenu scientifique de qualité mis à la disposition de tous et toutes que de passer tout son temps libre à aborder les gens individuellement sur les réseaux sociaux. En somme, n’en déplaise à ceux qui croient que les blogues sont un médium dépassé, c’est pour ces raisons que je trouve le format beaucoup plus constructif.

Je note avec une certaine fierté que ce blogue a également inspiré directement ou indirectement d’autres gens à faire de même. Allez voir, par exemple, Michel Thévenin et son blogue Tranchées & Tricornes, et Marie-Hélaine Fallu avec Mlle. Canadienne. Je prends également plaisir à côtoyer d’autres blogueurs et blogueuses, comme Erin Isaac avec son Historia Nostra.

Je me souviens aussi qu’il m’est arrivé une fois, pendant les Fêtes de la Nouvelle-France, de me faire reconnaître grâce à ce blogue. Je ne sais pas si c’est là la marque de la célébrité, mais mon ego l’a certainement trouvée bonne! Blague à part, ce blogue est devenu important non pour me faire connaître, mais pour faire connaître les ressources en lien avec l’histoire de la Nouvelle-France. Quoique j’ai aussi mon portail Nouvelle-France électronique, je profite de Curieuse Nouvelle-France pour y afficher des sources utiles discutées dans certaines de mes communications publiques.

Quel avenir attend ce blogue? À vrai dire, je suis plus préoccupé ces jours-ci par ce que l’avenir me réserve: après avoir complété mon doctorat en 2020, je suis en train de poursuivre le postdoc à l’Université de Windsor en attendant de me caser quelque part dans le monde académique. Tristement, l’histoire de la Nouvelle-France semble moins valorisée que dans le passé alors qu’elle n’a jamais été plus nécessaire. Elle est pourtant incontournable pour comprendre entre autres l’histoire des relations entre les Autochtones et les nouveaux arrivants, ou bien les origines de la société canadienne-française. Il est à espérer que d’ici un an, j’aurai une bonne nouvelle à vous partager!

Quant à ce blogue, je songe qu’il serait utile d’écrire plus souvent des billets qui ne parlent pas nécessairement d’histoire, mais du processus de la recherche historique. Au fil des années, j’ai remarqué que la moyenne des gens ne comprend pas ce que font au juste les historiens et brouille souvent leur expertise avec ce que radotent les racontars sur les réseaux sociaux. Je rêve de transmettre la leçon que l’histoire est une science, et que la science est un processus, un outil pour connaître et comprendre, non une collection d’énoncés canoniques de l’heure. En somme, je compte poursuivre la construction de ponts entre le monde académique et le grand public, toujours au rendez-vous pour assouvir sa soif de connaissances!

Reprenant cet élan d’enthousiasme, je souhaite longue vie à ce petit blogue et je lui souhaite un autre dix ans à rejoindre les gens curieux!

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