06 June 2021

Réflexion sur les écoles résidentielles

Vous me pardonnerez ce billet qui s'éloigne de la période ciblée par ce blogue, mais j'ai besoin de m'exprimer.

Depuis l'annonce de la découverte de la tombe de 215 enfants autochtones à Kamloops en Colombie-Britannique, j'ai le cœur à l'envers. Depuis quelques jours, mon esprit erre d’une pensée à l’autre, d'une réflexion à l'autre. J'essaie de comprendre mon indignation qui ne semble pas être de même nature que celle de mes réseaux sociaux.

Après une longue introspection, j'en viens à conclure que ce n'est pas la découverte en elle-même qui me mine. Certainement, une découverte aussi macabre glace le sang: comment ne pas être chagriné, voire outré? Néanmoins, ce qui me travaille en dedans, c'est que je suis étonné de constater l'étonnement des médias et des réseaux sociaux par cette affaire.

Encore une fois, je me sens trahi par ma naïveté: je croyais sincèrement que la moyenne des gens était enfin au courant, depuis la fin des années 90, des horreurs commises par les écoles résidentielles. Je croyais que c'était enfin connu de tous qu'il y avait des tombes perdues, voire même cachées sur les terrains de ces écoles désaffectées.

Est-ce une mauvaise impression du fait que j’ai été élevé à proximité de plusieurs réserves autochtones dans le Nord de l’Ontario? Que j’ai eu le bénéfice d’avoir eu de bons profs au secondaire qui nous ont parlé des réalités autochtones (sans doute à l’extérieur du programme d’enseignement officiel)? Que j’avais des camarades autochtones? J'ai encore souvenir de l'émoi dans mon village natal lorsque le lieu d'enterrement de 42 victimes de l'école résidentielle St. Johns de Chapleau (voir la photo ci-jointe) fut retrouvé en 2013. Le deuil avait frappé non seulement la communauté autochtone locale, mais les gens du village étaient tout aussi indignés. 

Mais j'ai eu tort de croire que ce minimum de connaissance au sujet des écoles résidentielles était répandu: je découvre de mon côté que nous sommes encore nombreux à être ignorants de ce passé violent. Même dans le cas de mon village natal, je suis resté sidéré du fait que certains, étonnés par la nouvelle de Kamloops, avaient déjà oublié l'existence de notre propre école résidentielle. Il a fallu leur rappeler son existence alors que nous avions pourtant eu notre propre "moment Kamloops" à peine 8 ans auparavant... Voilà donc ce qui m'agace en ce moment : va-t-on également bientôt oublier Kamloops?

Il y a un dicton cynique qui dit qu'une mort, c'est une tragédie, mais un millier de morts, c'est une statistique. Dans ce cas, selon la Commission de vérité et réconciliation, ce sont près de 6000 enfants qui sont décédés dans ces écoles résidentielles. Comment va-t-on s'assurer de commémorer leurs morts et de bien informer le grand public pour que ces victimes ne soient plus de simples "statistiques"? En ce moment, les promesses gouvernementales s'empilent ad nauseam. Mais il me semble que c'est la même parade à chaque fois. Il nous faut une garantie que la bonne foi et les actions seront au rendez-vous des paroles. Il faudra plus que de simples gestes symboliques. 

En somme, j'ai peur d'une nouvelle amnésie collective. Alors que l'affaire de Kamloops nous rappelle qu'on avait le droit d'être choqué, outré, même enragé par cette histoire d'horreur, nous n'avions pas le droit d'être surpris. Depuis que cette histoire fait les manchettes, l'émission radio Party Lines de la CBC semble être la seule instance médiatique à avoir soulevé la même réflexion que la mienne : pourquoi étions-nous surpris?

Et que ferons-nous pour s’empêcher d’être surpris à nouveau à l’avenir?

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MAJ 2021-06-22: je vous partage ce témoignage de Micheline Boisvert de Chapleau.

1 comment:

  1. Va-t-on également bientôt oublier Kamloops?
    Bien sûr que oui.
    C'est pour ça qu'il nous faut des historiens, pour nous rappeler que nous avons oublié.


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