Église Saint-Coeur-de-Marie, quelques jours avant le début de sa démolition en 2019. |
« Ah non, pas un autre crisse de musée. » Voilà
les paroles prononcées par un promoteur immobilier alors que nous étions un
groupe rassemblé pour discuter l’avenir des Nouvelles-Casernes
de Québec. Décidément, mon idée de les transformer en musée de la
Nouvelle-France froissait. Pire, je constate que l’histoire et le patrimoine sont
devenus gênants pour la ville de Québec en général. Le 21 août 2019, le Globe and Mail publiait un article
reconfirmant à nouveau qu’il y a une « vague de destruction » qui
s’abat présentement sur le patrimoine architectural de Québec. Je partage le
même avis.
La facade du Patro St-Vincent-de-Paul, détruite en 2010. |
Cela fait maintenant onze ans que j’habite à Québec; j’y
suis déménagé de l’Ontario justement pour ce que je croyais être à l’époque son
amour de l’histoire. Québec est unique non seulement dans la province, mais au
monde : rappelons-nous qu’il est classé parmi les sites patrimoniaux de
l’UNESCO. Pourtant, depuis la célébration de son 400e anniversaire,
j’ai vu ses efforts de conservation s’effriter. On troque l’histoire pour une
modernité forcée (le maire Labeaume n’avait-il pas déclaré, après tout, qu’il
voulait que Québec devienne le nouveau Montréal?). Les victimes ont été nombreuses
et continuent de cumuler. Parmi les exemples les mieux connus se trouvent la
façade du Patro
St-Vincent-de-Paul détruite en 2010 et cette année, l’église
Saint-Cœur-de-Marie, un des plus beaux exemples d’architecture néo-byzantine,
quelques mois à peine avant son centenaire. Je rappelle également qu’à
Jamestown, lieu de fondation de ce qui deviendra les États-Unis, il n’y a pas
un, pas deux, pas trois, mais quatre musées
dédiés à ce site historique, alors qu’ici à Québec, nous venons de fermer le Musée
de la Place-Royale, qui commémorait le site de la fondation de l’Amérique
française. Parlant d’institutions, il semble qu’il faut régulièrement se battre
pour avoir accès à nos collections, qu’il s’agisse d’empêcher la fermeture
de centres d’archives ou bien le déménagement
de nos artefacts dans la région de la capitale fédérale. Enfin, alors que certaines
villes comme Schenectady, New York, tentent de renouer
avec leur passé architectural en construisant de nouveaux édifices publics
qui s’intègrent bien avec la tradition architecturale locale, Québec a une
obsession en ce moment avec des projets immobiliers qui s’agencent mal avec le
patrimoine du Vieux-Québec (taisons le nom d’un certain bâtiment en vitre dont
la construction achève bientôt à la Place d’Youville…).
Le Musée de la Place-Royale, vidée, silencieuse... |
Alors que Québec se targue d’être l’Accent d’Amérique,
slogan qui « exprime
ce qui fait notre singularité, historique et contemporaine, et vise à projeter
une image attrayante de la ville. », il faudrait peut-être qu’elle se
rappelle ce qui la rend unique et attrayante en premier lieu. Les gens viennent
à Québec pour son patrimoine, son histoire, son train de vie. Et pourtant,
comme le rappelle l’article du Globe and
Mail cette semaine, la ville commence à être victime de son propre succès
économique. Il est à se demander si la modernisation de la ville se fait aux
dépens de son âme patrimoniale? Je peux déjà témoigner que les fluctuations
d’accès au patrimoine archivistique et muséal ont déjà découragé dans le passé plusieurs
collègues américains de visiter la ville. Même pour le tourisme en général, c’est
donc bien beau d’accueillir des navires de croisière, mais n’oublions pas qu’il
faut maintenir leur raison de visiter la ville. C’est ce qu’il y a de sournois
avec l’effritement du patrimoine : ça se fait petit à petit et par le
temps qu’on le remarque, il est souvent trop tard pour inverser la tendance.
Bref, si les promoteurs immobiliers ne se soucient pas de protéger et même de valoriser
notre patrimoine, qui le fera? J’encourage donc à mes lecteurs de contacter
leur député municipal, provincial et fédéral pour les encourager à non
seulement augmenter la protection de notre patrimoine, mais d’encourager sa
mise en valeur active.
Et qui sait, peut-être un jour aurais-je enfin mon Musée de
la Nouvelle-France…?