Un autre extrait des mémoires de notre cher Bonin, alors qu'il vient de quitter Michilimackinac et se retrouve sur la rivière des Outaouais :
Au moment de notre arrivée [le 12 septembre 1753] nous aperçûmes un ours traversant la rivière à la nage et venant de notre côté, à la distance d’une bonne portée de fusil, je courus moi quatrième dans l’intention de lui disputer non seulement le passage, mais de le tuer. A peine eut-il posé ses pieds à terre que nous lui tirâmes trois coups de fusil, il secoua la tête en avançant toujours, je me jetai au devant et assez prêt pour lui enfoncer dans le flanc droit mon couteau de chasse que je fus forcé d’abandonner aussitôt par le mouvement que fit cet animal qui se jeta de suite sur moi et me mit sous ses deux pieds de devant; mes compagnons me voyant dans cette position, n’osant plus tirer sur l’ours se contentèrent de crier pour l’épouvanter. Je fus retourné deux fois de droite et de gauche par l’animal, je contrefis le mort à tout hasard, me resouvenant d’avoir entendu dire que c’était la seule manière d’éviter la colère de l’ours; pendant ce temps-là mes compagnons qui n’avaient pu par leurs cris lui faire peur, prirent le parti de tirer plusieurs coups de fusil en l’air, alors l’animal me quitta, après m’avoir tenu sous lui pendant un demi quart d’heure qui me parut bien long, il s’en fut gravement sur le bord du bois où il se retourna en se posant sur son derrière et nous regarda audacieusement, malgré plusieurs coups de fusils qui lui furent tirés. On vint à moi, aussitôt qu’il m’eut quitté, .je me levai et fit comme les autres qui étaient venus sur la nouvelle que j’étais terrassé et nous fûmes tous à la poursuite de l’ours, qui se sauva dans le bois avec plusieurs coups de fusils et mon couteau de chasse au côté, nous le poursuivîmes, à la trace de son sang, l’espace d’une demie lieue où il s’arrêta et reçut encore quelques coups de fusils qui le firent tomber sur le côté, nous nous avançâmes aussitôt sur lui, en achevant de le tuer et je lui repris mon couteau de chasse qui n’était entré que dans sa panse, il fut ensuite éventré et coupé par morceaux dont chacun s’empara pour les emporter au campement afin d’être mangé en société.Source : CASGRAIN, H.R. (éditeur). Voyage au Canada dans le nord de l'Amérique septentrionale fait depuis l'an 1751 à 1761 par J.C.B., Québec, Imprimerie Léger Rousseau, 1887. pp. 91-92
Note: Pour les intéressés, le livre entier est disponible gratuitement sur Archive.org suivant ce lien.
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